CHARLIE DANIELS raccroche son violon pour toujours.

Notre bon vieux Charlie est mort des suites d’un AVC le 6 juillet 2020. Au moins, il aura pu assister à la fête nationale de sa chère Amérique. Il s’est éteint à l’âge de quatre-vingt-trois ans en laissant derrière lui une carrière exemplaire ainsi qu’un immense héritage musical.

Même s’il n’avait pas forcément une grande renommée au niveau international, il était une légende incontournable de la musique américaine. Du moins pour les initiés. On l’a surnommé à juste titre « le parrain du southern rock » bien que ses albums soient rangés au rayon « country music » chez les disquaires (aux Etats-Unis comme en Europe).

Les passionnés connaissant tout de sa biographie, cet hommage sera plutôt centré sur la personnalité du musicien à la barbe fournie. D’ailleurs, sa vie pourrait être résumée en quelques phrases. Son bûcheron de père jouait de la guitare et du violon. Charlie l’a imité et en a fait son métier. Et il a joué jusqu’au bout. Un homme simple qui se produisait sur scène pour les gens simples. Point. Que pourrait-on dire de plus ?

Bien sûr, quelques faits marquants sont survenus dans sa longue carrière et méritent d’être mentionnés ici.

Sa collaboration à la composition de la chanson « It hurts me » enregistrée par Elvis en 1964.

Sa participation à plusieurs albums de Bob Dylan. Le grand Bob avait exigé la présence systématique de ce guitariste lors des séances d’enregistrement. Il avait d’ailleurs affirmé dans son autobiographie qu’il avait beaucoup en commun avec le musicien et que « quand Charlie était dans le studio, il sortait toujours quelque chose de bien de ces sessions ».
Un énorme compliment !

Son travail avec Ringo Starr et son rôle d’accompagnateur de Leonard Cohen.

Son soutien aux groupes de rock sudiste, en particulier au Marshall Tucker Band et à Lynyrd Skynyrd qu’il a nommés dans « The South’s gonna do it again ». Les gars de Lynyrd lui rendront la pareille en citant Charlie dans « When you got good friends ».

Ses Volunteer Jams retentissantes, superbes réunions musicales regroupant de nombreux artistes sudistes mais pas seulement. Beaucoup de vedettes internationales s’y sont produites (Ted Nugent, Billy Joel, Stevie Ray Vaughan, l’immense James Brown).

Son hit « The devil went down to Georgia » qui l’a propulsé au box office en 1979 et son apparition dans le film
« Urban cowboy ».

Son intronisation au Country Music Hall of Fame et son admission comme membre du Grand Ole Opry (un immense honneur pour Charlie qui déclarait que voir son nom à côté de celui de ses idoles était l’étape ultime de sa carrière).

Côté personnel, certains de ses traits de caractère sont aussi à souligner.

Sa bonne humeur et sa sympathie légendaires. Gary Rossington a d’ailleurs enregistré une vidéo en hommage à
Charlie, diffusée sur la page de réseau social de Lynyrd Skynyrd, dans laquelle il déclare qu’au cours de son existence,
il n’a jamais rencontré quelqu’un qui n’aimait pas Charlie.

Sa fidélité indéfectible à sa femme Hazel à laquelle il a été marié plus de cinquante cinq ans.

Sa compréhension des gens simples et en particulier du monde campagnard (le père de Charlie était bûcheron).
En 1985, il composera la chanson « American farmer » pour alerter l’opinion publique sur la crise agricole aux USA.

Sa participation à divers projets de soutien aux vétérans de guerre et aux anciens combattants ainsi que ses concerts
en Irak pour les troupes américaines.

Son appartenance à la NRA (National Rifle Association), une association défendant les droits des propriétaires d’armes
à feu.

Sa grande résistance physique.
Charlie a tourné jusqu’à la fin mais il a aussi survécu à un accident (survenu dans sa ferme et qui lui a endommagé un bras), à un cancer de la prostate et son cœur était aidé par un pacemaker depuis 2013.

Ses prises de position politiques, sociales et religieuses.
Homme de foi et de convictions, Charlie affichait sans honte ses idées, ses croyances et son patriotisme avec calme et détermination mais sans jamais sombrer dans l’intolérance. Il a d’abord véhiculé une image plutôt gauchisante et contre-culturelle au début de sa carrière avec des chansons comme « Uneasy rider » (le hippie agressé par les « rednecks » du Ku Klux Klan) ou « Long haired country boy » (le gars de la campagne aux cheveux longs qui se saoule le matin et se défonce l’après-midi. Charlie changera d’ailleurs ces paroles plus tard).

Au début des années 80, Charlie s’orientera vers une branche politique plus à droite et cela s’entendra dans certaines de ses chansons publiées au cours des décennies suivantes. « In America » (avec un couplet évoquant la crise iranienne et les otages américains), « Still in Saigon » (un hommage aux vétérans du Vietnam), « M.I.A. » (qui parle des prisonniers encore détenus en Asie du Sud-Est) ou bien « Simple man » (proposant la pendaison pour les revendeurs de drogue et la mise en pâture aux alligators pour les tueurs d’enfants).

En ce qui concerne la religion, Charlie exprimera sa foi à travers plusieurs albums d’inspiration chrétienne.

Quant à sa musique, elle restera pour toujours la preuve de son immense talent.

Multi-instrumentiste accompli, Charlie excellait au violon, à la guitare électrique et acoustique (en jeu « classique »
ou en slide), au dobro, à la mandoline et au banjo.

Cela ne l’empêchait pas de laisser ses guitaristes s’exprimer largement sur scène (la prestation solo de Tommy Crain en introduction de « Cumberland mountain number nine » ou l’ouverture de Guillaume Tell interprétée avec fougue par Chris Wormer).

Avec son groupe, Charlie pouvait décliner pratiquement tous les styles musicaux. Du rythme funky (« Trudy ») au rock’n’roll (« Let it roll »), de la country music (« The devil went down to Georgia », « Long haired country boy ») au rock sudiste (« Still in Saigon »), en passant par le blues, le boogie (“The South’s gonna do it again”, “Funky junky”), et le gospel. Et sans oublier le bluegrass, le western swing, le folklore mexicain (« Caballo diablo », « El toreador ») ou cajun. Il ne faut pas oublier non plus les albums de chants traditionnels de Noël que Charlie enregistrait régulièrement
(il affectionnait particulièrement les fêtes de fin d’année).

Avec tout ça, Mister Charlie a prouvé qu’il était bien un monument de la musique américaine.

Concernant son style, notamment pour les morceaux country, il avait l’habitude de mélanger des accords mineurs et majeurs pour inventer de belles mélodies (la sublime chanson « Georgia »).

Sa voix n’était pas exceptionnelle mais s’exprimait avec justesse et feeling. Cependant, immédiatement reconnaissable, elle pouvait donner des frissons quand Charlie laissait libre cours à ses dons de conteur (le passage parlé de « The legend of Wooley Swamp » en est un parfait exemple). Charlie a d’ailleurs souvent tenu le rôle de narrateur pour des documentaires (sur le Tribute Tour de Lynyrd Skynyrd en 1987 ou sur la Guerre de Sécession).

Mais voilà, cette voix si particulière s’est tue pour toujours. Ce violon aux envolées démentielles ne résonnera plus.
Cette guitare au jeu si caractéristique ne chantera plus.

La musique a perdu un de ses plus fervents serviteurs et le rock sudiste pleure son patriarche légendaire.

Seuls restent les disques pour témoigner du passage de Charlie sur cette terre.

Et quel passage !

Que les albums « Fire on the mountain » (1974) et « Night rider » (1975) résonnent dans les enceintes pour célébrer sa mémoire !

Charlie nous a quittés. Il nous laisse avec les bottes enfoncées dans le marécage de Wooley Swamp et la tristesse au cœur. Il va sans doute retrouver ses vieux amis, le guitariste Tommy Crain et le pianiste « Taz » Di Gregorio. Et avec eux, il se lancera dans une improvisation éternelle en caressant un violon constellé de poussière d’étoiles.

Olivier Aubry


Copyright © 2013 Road to Jacksonville
Webmaster & DJ Patrice GROS
Tous droits reservés.
Design par
Zion pour Kitgrafik.com