LYNYRD SKYNYRD :
Live from Jacksonville at the Florida Theater

Encore un live au crédit de Lynyrd Skynyrd. Un de plus ! Avec, bien entendu, toutes les déclinaisons de marketing possibles : un pack deux CD plus un DVD, un double CD ou un DVD seul (classique ou Blu-ray). On s’y perdrait presque. Mais cette dernière production risque fort de remiser au placard les précédents albums enregistrés en public par le groupe. Je m’explique. Accrochez-vous, ça risque d’être long car une nouvelle galette de Lynyrd Skynyrd est toujours un événement (quoiqu’en disent certains).

D’abord, je pense qu’il s’agit d’un vrai live, avec un son de qualité, plus clair et moins compact (ceci s’explique sans doute par l’absence de re-recordings. En tout cas, je n’ai rien remarqué de suspect en visionnant le DVD).

Ensuite, ce témoignage discographique nous donne l’occasion de redécouvrir un Gary Rossington revigoré avec un jeu de guitare plus incisif et presque rajeuni.

Enfin, ce concert nous permet d’apprécier des morceaux rarement joués en live par la formation actuelle, voire jamais (« Things Goin’ On », « Poison Whiskey », « I Need You »).

Lynyrd Skynyrd a décidé de gâter ses fans en jouant l’intégralité des deux premiers albums du groupe (« Pronounced… » et « Second Helping ») sur deux soirs, dans le Florida Theater de Jacksonville. Les deux shows, initialement prévus les 12 et 13 février 2015, ont été reportés aux 2 et 3 avril en raison de l’hospitalisation de Gary Rossington. Le premier soir, les musiciens de Lynyrd s’attaquent donc à ce mythique premier album devant une salle entièrement ralliée à leur cause. Mais ils ne se moquent pas du monde pour autant. Les titres sont enchaînés dans l’ordre du disque avec application mais aussi avec authenticité. Même le jeu de Michael Cartellone paraît moins hard.

Une voix grave annonce Lynyrd Skynyrd, en rappelant au passage qu’ils ont été intronisé au Rock and Roll Hall of Fame. Quelques roulements de batterie et ça démarre sur « I Ain’t The One » avec un bon solo de Rickey Medlocke. « Tuesday’s Gone » est rehaussé de l’harmonica de « Boxcar » (apparemment devenu incontournable) et de nappes de violons aux claviers (je me demande si un orgue n’aurait pas été plus opportun). Johnny Van Zant fait taper le public dans les mains sur l’intro de batterie de « Gimme Three Steps » et Gary envoie un solo bien « honky tonk ». Je m’interroge toutefois sur la présence d’un percussionniste parfaitement inaudible (que ce soit sur le DVD
ou sur le CD).

Puis Johnny Van Zant dit qu’ils sont tous nés du côté ouest de Jacksonville et que de ce côté de la ville, il n’y a que des hommes simples. Ce préambule annonce « Simple Man » dont le solo à la tierce déchire comme sur la version live avec Ronnie Van Zant. Avec « Things Goin’ On », on ne se pose pas de questions. Tout y est : le tempo, le piano à la Billy Powell, le très bon solo de Gary et une fin (sur disque, le morceau était shunté).

On avait l’habitude de les voir jouer « Mississippi Kid » avec le solo de slide de Gary sur sa belle guitare blanche mais là, nous sommes gratifiés en plus d’un solo d’harmonica de « Boxcar » du plus bel effet. Johnny Van Zant porte un toast au public grâce à qui Lynyrd Skynyrd est encore une légende en 2015. Vient ensuite le grand moment de la soirée avec une excellente interprétation de « Poison Whiskey ». Ce titre, souvent considéré à tort comme mineur, illustre pourtant l’essence même du rock sudiste avec sa rythmique hypnotique. La six-cordes de Gary est convaincante et Peter Keys martèle un bon solo sur ses touches noires et blanches. Cela vaut le détour. Le show se termine bien évidemment sur une énième version de « Freebird » avec le classique extrait de l’interview de Ronnie Van Zant en train de pêcher. Rickey envoie un bon solo, moins brouillon que dans certaines prises live précédentes.

Deuxième soir, deuxième album, deuxième CD.

Ironie du sort, cette soirée sera fatale à Bob Burns qui emplafonne un arbre en Géorgie après un concert.

La même voix d’outre-tombe annonce le groupe qui attaque avec « Sweet Home Alabama ». Rien de particulier à signaler sinon que Johnny fait chanter le public sur le dernier refrain et que Gary joue les premières notes de « Dixie » à la fin du morceau. « I Need You » me fait toujours autant craquer et je ne comprends pas que ce morceau n’ait pas eu plus de succès à la sortie de l’album en 1974. Le solo à la tierce exécuté par Gary et Rickey me refile des frissons. Viennent ensuite « Don’t Ask Me No Questions » (avec une section de vents) et un « Workin’ For MCA » pêchu mais sur lequel Mark Matejka prend quelques libertés avec le solo. Johnny Van Zant raconte ensuite qu’un type de Staten Island, près de New York, lui a certifié que voir Lynyrd Skynyrd à Jacksonville c’était comme voir les Beatles à Liverpool. S’ensuit une « Ballad Of Curtis Loew » interprétée de belle façon et en entier (pour une fois), avec des chœurs sur le refrain. Le clavier est peut-être trop présent sur la fin mais Johnny conclue la chanson en nous assurant que Shorty Medlocke était bien Curtis Loew.

Notons aussi le bon solo de Gary sur « Swamp Music » (orné de vents mais avec un clavier trop présent) et celui de Rickey (en wah wah) sur « The Needle And The Spoon ». Le concert s’achève avec « Call Me The Breeze ». La section de vents (deux saxes et une trompette) est de retour, Rickey chante sur le deuxième refrain mais le solo de Gary est mal mixé au début (on n’entend que le piano). Malgré ces menus défauts, cela reste un super show avec un Gary Rossington au mieux de sa forme et intervenant souvent en solo (normal, il est là depuis le début de l’aventure) avec son sustain si particulier.

Le DVD n’apporte rien de plus, à part une interview backstage. Bien sûr, on peut voir le théâtre et les spectateurs (jeunes et vieux), les jeux de lumières, les changements de chapeaux de Johnny Colt ou sa nouvelle coupe de cheveux, les paluches de Peter Keys en gros plan. Cependant, le défaut majeur réside dans la poursuite des guitaristes en plein solo, les plans étant souvent coupés.

Je sais bien que le fan pur et dur souhaitera se procurer le pack entier. Cependant, en ces temps de crise, une pièce est une pièce. Alors, si vous hésitez entre une galette musicale et une galette de maïs, je vous conseillerai d’acheter uniquement le double CD, témoignage au gros son de ces deux shows uniques et du retour en force du père Gary.

On pourra accuser Lynyrd Skynyrd de faire encore du neuf avec du vieux mais c’est sans doute le meilleur live que le groupe ait enregistré depuis des années.

La légende continue !

Olivier Aubry