PLANET OF THE ABTS: All Things the Valley (2015)

Titles :

1. Down for the Count 4:18
2. Revolution 5:49
3. Friend Looked Rather Sad 5:22
4. I Call You Whiskers 5:52
5. Planet Pt.3 7:22
6. I'm Telling You 5:01
7. I Remember That 3:22
8. Seahorse 5:20
9. Yesterday Seemed Fine 5:56

Personnal :

Jake Abts :Vocals (Background)

Matt Abts : Executive Producer, Group Member

T-Bone Andersson : Group Member, Mixing Assistant, Producer, Tape Operator

Jörgen Carlsson : Engineer, Group Member, Mixing, Producer

Mini Diaz : Vocals

Warren Haynes : Slide Guitar

Steve Holroyd : Baritone (Vocal), Engineer, Vocals (Background)

Songa Lee : Cello, Violin

Tim Loo : Cello, Violin

Danny Louis : Brass Arrangement, Engineer, Trombone, Trumpet

Marc Quinones : Congas, Cowbell, Tambourine

Malgré tous leurs efforts pour se prétendre « membres du groupe », ce qui laisse supposer que chacun n'est peut-être pas toujours à son instrument de prédilection, cela se confirme par la suite, on peut quand même considérer que Planet of the Abts, pour son deuxième méfait après le premier album éponyme de 2011, est avant tout l'association de la rythmique de Gov't Mule, à savoir Matt Abts à la batterie et Jörgen Carlsson à la basse, avec le guitariste/vocaliste suédois T-Bone Andersson, renforcés ici ou là par les autres membres de Gov't Mule, où on remarque que Danny Louis, dont on sait les capacités à la trompette, est plus crédité aux cuivres qu'aux claviers (il faut dire que de ce côté, T-Bone Andersson s'est chargé de l'essentiel du boulot), et quelques amis dont Marc Quinones le percussionniste du défunt ABB.

Toute cette fine équipe de haute volée (les cordes frottées viennent du Los Angeles Philharmonic !) accouche après quelques années de préparation dues aux agendas trop remplis des musiciens, d'un véritable album de rock progressif pêchu propulsé par la puissante rythmique précitée où Jörgen Carlsson, particulièrement impliqué dans cet opus, gronde de toutes ses cordes. J'ai bien dit du rock progressif, pas un « jam band », au moins en studio. A l'écoute, on pense d'abord à Pink Floyd que ces garçons ont tous bien écouté, surtout dans une plage comme « Seahorse » où la guitare de Torbjörn « T-Bone » Andersson s'envole dans un élan tout « gilmourien », ou dans « Friend Looked Rather Sad », marqué en outre à la fois par la slide de Warren Haynes et une influence lennonienne, entre la fin des Beatles et le début de la carrière solo du mec jaloux.

Ce Pink Floyd survitaminé sonne moins « classisant » que l'original, qui reste empreint de l'influence de Rick Wright, mais plus « heavy » (« I'm Telling You »), plus comédies musicales (les cuivres ?), plus soul (le refrain de « Yesterday Seemed Fine »), plus rentre-dedans, c'est sûr (« I Remember That » qui n'arrête pas de galoper tout du long), et au final incontestablement plus américain malgré la présence suédoise de T-Bone Andersson et Jörgen Carlsson et irlandaise de Danny Louis !

Mais purée, ça sonne ! Au fil des plages, on se laisse aussi à évoquer Yes (les claviers de «  Down for the Count ») sans la voix de cristal de Jon Anderson, les Doors (intro de « Planet Pt.3 » et son Würlitzer, le reste du morceau rejoignant l'esprit des titres « expérimentaux » du Floyd) ou les Who en pleine période opéra-rock, La voix de Torbjörn, beaucoup moins gutturale que celle de Warren Haynes, son usage de la pédale wah-wah, et certains arrangements facilitent d'ailleurs quelques virages vers la pop-music des grandes années. A d'autres moments, le martèlement de Matt et le son énorme de Jörgen nous renvoient à Free, mais avec, par exemple, des claviers typiquement progressifs et des vocaux hallucinés (« I Call You Whiskers »), vous imaginez le tableau ? Le son, enregistré le plus possible en analogique avant d'être passé par Pro Tools, garde d'ailleurs la chaleur des albums de cette époque.

On se laisse facilement emporter par cette espèce de fleuve impétueux qui cache sa complexité derrière une patate monstrueuse, ça pulse, ça explose, ça gronde, survolé ici et là par la guitare inventive de notre Suédois. On passe d'une plage à l'autre, entraînés par le maelström musical, presque sans s'en apercevoir, un peu comme dans certains albums du Derek Trucks Band, les morceaux assez courts pour le style tournant autour des cinq minutes. Du grand art qui mérite sans conteste d'y jeter un peu plus qu'une oreille, All Things the Valley est le genre d'album qui risque de marquer durablement le monde musical, ne serait-ce que parce que des milliers d'ados vont se l'écouter en boucle, le casque sur les oreilles, accrochés à leur lecteur MP3 et vont en subir l'influence. C'est du moins tout ce qu'on souhaite à cet excellent album.

Y. Philippot-Degand