SOUTHERN THUNDER PROJECT: Full Throttle Heart (2015)
Titles :
02. Daisy
03. Nothing To Hide
04. Destiny
06. Camouflage Man
08. Outlaw In Me
09. Lone Wolf Blues
11. Slow Movin' Train *
12. Living Proof (Sandy Hook Song)
Personnal :
Gary Jeffries – Lead Vocals / Guitar / Harmonica
Boone Froggett – Lead Vocals / Guitar / Slide
Chris Walker – Guitar
Larry Velez – Guitar
Steve Jewell Jr – Guitar
Steve Fletcher – Bass
John Rehmel – Guitar / Songwriter / Founding Member
Randy Trent – Drums on 11 songs
Andrew Gilpin – Drums on 2 songs *
Le compositeur John Rehmel a réuni des potes pour un projet d’album de « Southern rock »: Gary Jeffries et son groupe, et le groupe Otis, venu du Kentucky, sans oublier le guitariste anglais Chris Walker et le gratteux Larry Velez, originaire du Texas. Et le résultat est plutôt encourageant.
D’entrée de jeu, on tape du pied avec « Fulle throttle heart », une « biker song » (chanson de motards) qui balance bien avec une rythmique compliquée dans le style « Southern boogie » et un solo de gratte à la Blackfoot. Même esprit avec « Daisy », un bon Dixie rock avec une guitare slide rythmique, des phrases de slide entre les couplets et un break qui évoque l’intro de « Rattlesnake rock'n roller » du même Blackfoot. Bonne ambiance avec « Nothing to hide », un « Southern country blues » rythmé avec un harmonica et une guitare slide bien sudiste à la Dickey Betts.
Une six-cordes chaude et délicatement saturée embellit la belle « Southern ballad » « Destiny ». A noter également « Little miss rock'n roll ». un rock entraînant à la sauce sudiste et son solo « rentre-dedans ». « Camouflage man » emprunte légèrement au style du Blackfoot des années 90 mais est doté d’un bon solo de gratte et d’une montée d’accords intéressante sur le refrain.
« Stormy weather blues » , un « Southern blues » syncopé, nous emmène en territoire Allman pour notre plus grand plaisir avec un break en tierce à la mode de l’Allman Brothers Band (ou de Charlie Daniels sur « Birmingham blues »).
On appréciera aussi « Outlaw in me », un morceau lent avec une slide entêtante, et « Lone wolf blues », un bon « Southern blues-rock » avec une slide tranchante. Décidément, ça slide plutôt bien chez Southern Thunder.
« Back road traveler », un blues-rock syncopé, fait oublier son manque d’originalité avec un bon solo de gratte.
« Slow movin’ train », un titre lent à la Lynyrd Skynyrd soutenu par une guitare slide et un orgue, fait l’impasse sur le solo… et c’est bien dommage ! Idem pour « Living proof », un titre hommage pour l’institutrice qui a sauvé les enfants de sa classe lors de la tuerie de Newtown en décembre 2012. La chanson se termine par des chœurs et des arpèges de guitare mais un solo bien senti manque à l’appel.
Et encore la même chose pour finir avec « Bringin’ the bacon home », un excellent rock' n roll qui décoiffe. Ce titre efficace, bien qu’agrémenté de phrases de guitares très « hot », aurait mérité un solo à part entière (on l’attend d’ailleurs tout au long du morceau). Tant pis pour nous !
Hormis ces quelques défauts, le projet Southern Thunder s’en tire plutôt honorablement avec cette galette sympathique.
Un disque à écouter accoudé au comptoir d’un rade de bikers ou vautré sur la selle d’une bécane.
Good old Southern rock !
Oliver Aubry
John Rehmel, l'auteur des textes des morceaux et le compositeur d'« Outlaw in Me », par ailleurs fervent supporter du rock sudiste et des Kentucky Headhunters, avait quelques difficultés à placer ses créations hors de l'univers de la musique country. Bien que sa contribution instrumentale semble proche de l'anecdotique, il a réussi à réunir les musiciens de ce projet qui sont loin d'être tous des inconnus, à commencer par Gary Jeffries (Asphalt Ballet et Alligator Stew, entre autres…). Gary chante une bonne moitié des morceaux et amène à l'entreprise l'excellente rythmique de son groupe actuel (Steve Fletcher à la basse et Randy Trent à la batterie) sur laquelle se greffent tout d'abord Boone Frogett, de l'Otis Band (un très bon groupe du Kentucky), qui a écrit une bonne partie des musiques, chante l'autre moitié des titres dans un style vocal assez voisin et amène de sa formation le guitariste Steve Jewell Jr, lui aussi compositeur de six titres, et le batteur Andrew Gilpin. Vient s'ajouter le guitariste de blues-rock Chris Walker, attention, pas celui de Floride, celui du Royaume-Uni, qui a fait le voyage par la grâce d'une amitié Facebook avec John Rehmel ! L'équipe est complétée par Larry Velez, un musicien de studio basé dans l'Indiana, et le tout a été enregistré en deux sessions au studio de Curt Hall dans le sud de l'Indiana.
Le premier titre chanté par Gary Jeffries donne tout de suite le ton : guitares au crunch prononcé, rythmique qui bastonne, chant viril, le tout sur de petits riffs sudistes : on n'est pas là pour rigoler, mais pour envoyer ! Et l'intro blues de « Daisy » avec force bottleneck ou le changement de chanteur ne changent rien à l'affaire : pas de temps à perdre, il faut se bouger les mecs ! On fait tourner la génératrice et le groupe fonce dans une ambiance hautement énergétique. Ça continue dans l'ambiance blues « roots revisitées métal », une rythmique et des plans typiquement blues, avec l'harmonica qui va bien, juxtaposés avec une slide guitare solo très saturée, un peu trop peut-être (« Nothing to hide »). Un temps de repos avec « Destiny », ballade qui veut se la jouer « slokitu » où Boone Frogett se distingue au chant, avec un agréable dialogue entre deux guitares, et qui aurait pu effectivement prétendre à ce titre si l'accompagnement avait marqué plus de finesse, malgré une intro prometteuse, en raison de la présence un peu trop « voyante » de la troisième guitare qui alourdit l'ensemble. Il y avait sûrement une façon plus harmonieuse de mixer le titre. A noter une fin surprenante, comme si les musiciens n'avaient pas su comment le terminer…
On repart ensuite en territoire sudiste, pas très loin du Molly Hatchet version Jimmy Farrar auquel le chant de Gary Jeffries fait ici penser, avec une rythmique boogie à la Malcolm Young, mais toujours avec ces guitares sursaturées, heureusement allégées par le jeu inspiré de Randy Trent, en particulier sur ses cuivres. Puis on déboule dans « Camouflage Man », un morceau hypnotique qui mélange influences sudistes (joli petit riff !), on peut évoquer Black Oak Arkansas et Jim Dandy, et métalliques plus actuelles avec quelques infra-graves. La guitare solo se fait hargneuse (merci Larry Velez !) et comme cette fois la saturation n'est pas trop épaisse, ça tranche dans le lard ! Non, le bacon, c'est pour plus tard ! Un petit passage hors tempo typique du rock sudiste et zou, ça repart sur une coda à trois guitares qui là permet de conclure sans bavure.
Changement total d'atmosphère pour le funky-blues « Stormy Weather Blues » qui pourra évoquer à certains « Johnny the Fox » de Thin Lizzy, et tend parfois à s'échapper vers des arrangements plus complexes teintés « West Coast » avant de partir soudain sur du ternaire avec une coda très « Whipping Post ». Un clin d’œil volontaire, ce morceau ayant été le repère que ces musiciens qui n'avaient jamais joué ensemble ont pris lors de leur premier contact en studio. « Outlaw In Me » vient jouer la carte de la ballade sudiste déchirée sur fond de slide bavarde mais inspirée. Les amateurs de Kid Rock pourraient la trouver fort à leur goût, tandis que « Lone Wolf Blues », comme son nom l'indique vient nous la jouer blues primal lacéré de breaks spectaculaires. Les guitaristes ne sont pas manchots, c'est sûr ! « Back Road Traveler » repart dans le funky version coyote en rut, les guitaristes s'en donnent à cœur joie, mais une fois de plus une production moins brouillonne et un son plus clair les auraient mieux servis. Les couplets de « Slow Movin' Train » reprennent la grille de… « The Ballad Of Curtis Loew », histoire de ne pas se tromper, mais finalement le résultat fournit une bonne petite ballade sudiste plutôt agréable à écouter. « Living Proof » (rien à voir avec Wishbone Ash) nous emmène dans un curieux folksong incantatoire scandé par le rimshot de Randy Trent. L'inspiration vient de la tragédie de Newton, Connecticut, avec l'assassinat de l'enseignante portoricaine Vicki Soto et de ses gamins en décembre 2012 dans l'école primaire Sandy Hook.
L'album se termine par un boogie accrocheur au titre évocateur de « Bringin' The Bacon Home » (!) sur lequel Larry Velez brille une fois de plus.
L'avenir de ce genre de réunion musicale reste toujours très incertain. Le concert réunissant à la fois le Gary Jeffries Band et l'Otis Band à Monticello le 31 juillet nous en dira peut-être plus, et il est certain que tous ces titres ont la capacité de briller sur scène. Pour le moment, on ne peut que regretter quelques maladresses dans le mixage et le son global, souvent trop brouillon, peut-être dûs à un calendrier de production très serré, car assurément on avait à la fois le matériel et les interprètes pour réaliser un super album. L'art reste difficile et les contraintes matérielles peuvent parfois amoindrir les meilleurs projets, mais il nous reste fort heureusement un bon album agréable à écouter et bourré d'idées que les fans de Gary Jeffreys apprécieront probablement, et qui permettra à beaucoup de découvrir l'Otis Band (le groupe qui monte ! Oups, désolé, mais les fans de Soretex m'en auraient voulu si je ne l'avais pas faite...) et son leader Boone Frogett. Pas si mal après tout !
Y. Philippot-Degand