WARREN HAYNES (Featuring Railroad Earth): Ashes And Dust (2015)
Entre l’arrêt de l’Allman Brothers Band et une pause de Gov’t Mule, Warren Haynes sort son très attendu troisième album solo accompagné par Railroad Earth, un groupe d’americana/folk/newgrass du New Jersey. Le père Warren a déclaré dans la presse que ces morceaux dataient de vingt ou trente ans et qu’il avait toujours souhaité les enregistrer. C’est maintenant chose faite et le résultat est à la hauteur de la réputation et du talent du bonhomme. Cependant, les fans de l’ABB ou de Gov’t Mule seront surpris car l’ambiance de ce disque diffère largement du style de ces deux groupes. Cette galette nous propose un savant mélange entre la musique des Appalaches, le folklore irlandais et la « country music » mais tout ceci correspond bien aux racines de la musique du Sud. Les « Southern music lovers » ne seront donc pas trop déstabilisés par le violon, la mandoline et le banjo qui se marient de la plus belle façon avec la guitare inspirée de Warren. Certains titres oscillent entre l’excellent et le sublime, d’autres sont très sympathiques et quelques uns frôlent le moyen.
Je n’hésiterai pas à qualifier les quatre premiers morceaux de « tuerie musicale », tant du point de vue de la composition que de celui de l’interprétation. Ainsi, « Is it me or you » (un titre teinté de country music des Appalaches) ouvre royalement le bal avec son superbe refrain, son riff de violon et son splendide solo de slide sudiste. Du très beau travail !
« Coal tattoo » reprend la même recette en un peu plus rapide mais c’est toujours aussi bon et la gratte de Warren est toujours aussi géniale. Ce titre me rappelle le Charlie Daniels Band de la grande époque.
La guitare se fait acoustique sur « Blue maiden’s tale », un superbe morceau country. « Company man » réussit l’alchimie parfaite entre la country, le bluegrass et le style sudiste avec un tempo soutenu, un solo de violon et une slide guitare torturée. Ce titre vante les bienfaits de l’indépendance ainsi que le refus d’appartenir à une puissance industrielle en dépit des sacrifices endurés : « I make a dollar when a man makes ten. Everything I got, I got with my own pence. Never wanted to be no Company man” (Je me fais un dollar quand un mec en touche dix. Tout ce que j’ai, je l’ai eu avec mon propre pognon. Je n’ai jamais voulu être un homme de la Compagnie).
Un autre morceau halluciné, « Gold dust woman », décroche la timbale en combinant un savoureux cocktail de différentes musiques (Appalachian style, musique sudiste et swamp blues de Louisiane). La voix de la chanteuse Grace Potter rajoute en intensité.
Sans transition, passons au morceau le plus faible de l’album, « Stranded in self-pity », qui semble échappé d’un orchestre roumain dirigé par Kusturica. Bizarre!
La ballade country est à l’honneur avec « New year’s eve » et « Glory road » qui bénéficie d’une guitare acoustique en slide.
Warren Haynes reprend sa gratte acoustique sur « Beat down the dust » et ce morceau ressemble à certains titres que Bob Dylan avait enregistrés avec Charlie Daniels à la grande époque.
« Wonder lust », un titre country sudiste au tempo moyen avec un harmonica, fait penser à une rencontre entre Kris Kristoferson et l’Allman Brothers Band.
Justement, Oteil Burbridge et Marc Quinones (bassiste et percussionniste au sein de l’ABB) viennent prêter main forte à Warren sur « Spots of time », un morceau avec des altérations jazzy et un solo de six-cordes digne de la période Allman. A signaler également, la ballade nostalgique « Hallelujah boulevard » et l’excellent solo de slide à rallonge sur « Word on the wind ».
Entre les jams de l’Allman Brothers Band et les prouesses de Gov’t Mule, Warren Haynes nous a maintes fois prouvé son talent. Et il le fait encore avec cet album surprenant, mais très attachant, qui remonte aux sources traditionnelles de la musique du Sud.
Very good job !
Olivier Aubry