KUNIO KISHIDA
Alabama boy (CD 2005)

Musiciens :
Kunio Kishida – electric & acoustic guitars, dobro & vocals
Pete Carr – electric guitar
Jerry Wasley Jr. - bass
Chuck Leavell - piano
Paul Hornsby – organ Hammond B-3 (toutes pistes sauf 8)
Bobby Whitlock – organ Hammond B-3 (piste 8)
Jamie Oldaker - drums
Mickey Buckins - percussion
Bonnie Bramlett - duet & background vocals
Scott Boyer - duet vocals & background vocals
Carla Russell - background vocals (pistes 2, 3, 5, 9, 10, 11)
Produced by Johnny Sandlin

Titres :
1 - Alabama Boy
2 - Celebration / Sadness
3 - Miss Your Dimples
4 - Don't Leave Me Please
5 - I'll Leave My Home
6 - Live In Hope
7 - N.A. City Woman
8 - Right Place
9 - Don't Say Nothing
10 - Sendai
11 - What Will Be Will Be
12 - You Knock Me Out


Bon, OK, on a encore un petit train de retard pour chroniquer cet album, mais le bonhomme vaut qu’on s’y attarde.
Voilà quelqu’un qu’on ne peut qualifier de sudiste grand teint étant données ses origines, mais qui réussit depuis quelques années à enfiler comme des perles des albums personnels assez typés qui lorgnent nettement du côté de notre musique favorite. Les compos, toutes écrites par lui, tiennent remarquablement la route, malgré des textes un peu limités (on s’en tient globalement aux relations de couple sans en faire des pages…), Kunio se débrouille comme un chef guitare en pogne, avec de surcroît un très intéressant jeu en slide, et il réunit autour de lui la fine fleur des Muscle Shoals pour y enregistrer son album avec une énergie tranquille (quel casting, et Chuck Leavell étincelant une fois de plus !).
On devrait sauter en l’air, applaudir des doigts de pied, or on se contente la plupart du temps d’apprécier en souriant
les joutes instrumentales et les arrangements calibrés au millimètre. Vous l’avez deviné, il y a un lézard…

Le problème réside dans la volonté de Kunio d’enregistrer lui-même les parties vocales principales. On ne peut pas dire qu’il chante réellement mal, mais sa voix plate manque de souplesse, de dynamisme, d’étendue dans la tessiture, d’harmoniques pour donner une couleur à ses compositions. Quelquefois (pistes 2, 3, 7 et 9), ça coince plus sérieusement et notre ami Kunio arrive à ne plus être très juste. Il aurait fallu qu’il se contente de faire les chœurs, et éventuellement le chant solo sur deux ou trois compositions à sa portée, et qu’il laisse pour le reste le chant principal à un véritable spécialiste.
Avec du travail et des tournées, cela s’arrangera peut-être, comme on l’a vu il y a pas longtemps du côté de Dave Hole, mais pour le moment, le chant principal demeure la seule grosse faiblesse de cet album par ailleurs fort bien produit.

Malgré tout, on écoute avec beaucoup de plaisir ces titres souvent un peu laid-back dans lesquels on sent l’influence du rhythm’n blues, toujours remarquablement interprétés par les musiciens enrôlés, et on a parfois droit à de franches réussites comme ce « Live in Hope » accrocheur et dynamique. De quoi regretter l’absence d’un vocaliste plus convaincant qui aurait mieux mis en valeur le travail de Kunio, d’autant que le bonhomme sait se rendre sympathique : pour tous les titres de cet album, il nous livre avec quelle(s) guitare(s) et quel(s) ampli(s) il a enregistré ses différentes parties. On apprend ainsi que sa Les Paul Std 1959 sunburst (M. Banker !) a reçu le doux nom de Nancy, et qu’il s’est fait prêter pour cet album quelques remarquables instruments : Fender Stratocaster 1954 sunburst et 1963 sunburst, Gibson J-45 1959, Martin D-28 1967, National en métal à résonateur, et même une Coral Sitar des 60’s ! La basse utilisée était de même une Precision de 1957 prêtée. Pédagogique et intéressant pour qui veut s’intéresser au son des instruments et des amplis, petit clin d’œil aux collègues musiciens, révélateur de l’authenticité de la démarche. L’homme est un passionné qui sait ciseler des musiques attachantes qui nous prennent les conduits auditifs par le bon bout, malgré la relative faiblesse du chant, alors pourquoi ne pas aller jeter une oreille sur son travail ? La musique produite en vaut la peine, et quitte à encourager des artistes, autant le faire en jetant son dévolu sur ce genre de talent très prometteur.

Yves Philippot