En plein
dans la polémique! Gov't Mule a choisi de dérouter un peu son
auditoire en sortant un album reggae / raggamuffin / dub très reconnaissable
aux couleurs distinctives de la jaquette. Alors, que penser de cet écart
de musiciens ayant contribué au renouveau du rock sudiste,
en particulier Warren Haynes au sein de l'ABB?
Musicalement, je dois avouer être resté perplexe. Que blues et
reggae aient des atomes crochus est connu depuis longtemps (n'est-ce pas MM.
Clapton et Deraime, par exemple?),
donc il n'y a pas de quoi s'étonner vraiment, mais le virage avec raggamuffin
et surtout dub paraissait plus périlleux.
Tout d'abord, parlons des bonnes choses: l'album, très bien produit
bénéficie d'un son monstrueux qui met en évidence le
swing et la puissance du groupe, visiblement toujours bien affûté
musicalement. Ensuite, il y a des titres qui tiennent vraiment la route: les
deux premiers surtout mais la reprise reggae du classique "Hard to handle"
se défend parfaitement avant de venir s'enliser dans des longueurs
interminables. La jam, en blues, peut aussi paraître lassante quand
les soli se complaisent à faire durer un peu mécaniquement les
choses, mais Gov't Mule maîtrise
le style et a la remarquable faculté, justement, de pouvoir emmener
son petit monde dans des improvisations luxuriantes.
En reggae, il en est tout autrement, et le côté répétitif
des boucles et des redites lasse assez rapidement, de même que l'intensive
utilisation de la wah-wah par Wah-rren (désolé, j'ai pas pu
m'empêcher!...). C'est peut-être très amusant à
mettre au point, ça vous fait peut-être voir des tas de choses
quand vous avez fumé la moquette, ou que les excitants divers vous
ont mené au point où la fatigue intense déforme votre
perception du monde autour de vous, mais l'auditeur resté sobre se
demande un peu ce qu'il est venu faire dans cette galère. Certains
titres, en particulier "The Shape I'm in" complètement délirant
dans le genre hermétique, représenteront à coup sûr
pour certaines oreilles un supplice aussi intense que l'intégrale de
Chantal Goya ou l'uvre exhaustive de Poulenc.
Cela pose le problème du positionnement de cet album. On ne peut absolument
pas taxer là le groupe de "j'm'enfoutisme", par contre était-il
judicieux de le sortir sous le nom de "Gov't Mule"?
Je m'explique: les fans de blues et rock qui écoutent le groupe passeront
volontiers un ou deux titres de cet album, certains titres initiant d'ailleurs
une voie musicale intéressante mêlant le balancement caractéristique
du reggae et les qualités susnommées du groupe, mais auront-ils
envie de l'acheter? Les acheteurs potentiels existent sûrement, mais
iront-ils eux chercher cet album dans les rayons jam blues de leur magasin
favori? Comme il est hors de question de vouloir brider l'inventivité
des musiciens, n'aurait-il pas été plus judicieux de cibler
mieux le public de cet album en changeant le nom du groupe, qu'il soit transformé,
par exemple, en "G-Mule", en "Repentant Jammin' Bluesmen Band"
ou en n'importe quelle autre élucubration, un peu comme un projet parallèle,
à la façon "Louise Attaque"/"Tarmac", de
manière à pouvoir l'installer sans remord dans le "bon"
rayon, celui du reggae/ raggamuffin / dub?
Le remarque me semble d'autant plus importante que Warren Haynes est connu
pour sa prolixité, et que bien des fans de la Mule (ou plutôt
leurs bourses) peinent financièrement à suivre le rythme des
sorties, en particulier live, du groupe (voir leur récent double DVD).
Quitte à faire des choix en cette année riche en promesses,
cet album risque d'en faire les frais, d'autant que son contenu se promène
beaucoup (trop?) entre reggae boosté par l'énorme patate de
la Mule (j'avoue bien aimer
) et expérimentations répétitives
à base dub étirées à l'infini et à mes
oreilles très peu convaincantes, alors qu'un redoutable album entier
de titres reggae "rhabillés" façon Mule aurait déjà
attiré plus de monde.
Bref, quand je pense à cet album, qui n'est pas réellement mauvais
en plus, c'est le côté navrant de l'affaire, j'ai une expression
qui me trotte dans la tête: erreur de casting.
Y. Philippot
GOVT
MULE
Tail of 2 Cities (2007 DVD)
Musicians
:
Warren Haynes - guitar & vocals
Matt Abts - drums
Andy Hess - bass
Danny Louis - keyboards
Titles
:
DVD1 : Orpheum Theatre, Boston, MA, October 15, 2004
Set I:
1 - Bad Man Walking
2 - About To Rage
3 - Mr. Man
4 - Banks Of The Deep End
5 - Temporary Saint
6 - Sco-Mule
7 - Beautifully Broken
8 - Slackjaw Jezebel
9 - Blind Man In The Dark
Set II:
10 - Thelonius Beck
11 - Painted Silver Light
12 - No Need To Suffer
13 - Devil Likes It Slow
14 - Drums
15 - Burro Of Brighton Jam
16 - My Separate Reality
17 - Bad Little Doggie
18 - Lola Leave Your Light On
Encore:
19 - I'm A Ram
DVD2 : The Riviera Theatre, Chicago, IL, December 9, 2006
Set I:
1 - Blind Man In The Dark
2 - Bad Little Doggie
3 - Mr. High & Mighty
4 - About To Rage
5 - Unring The Bell
6 - Rocking Horse
7 - Larger Than Life
8 - Slackjaw Jezebel
9 - Brand New Angel
Set II:
10 - So Weak, So Strong
11 - 32/20 Blues
12 - Time To Confess
13 - Brighter Days
14 - Like Flies
15 - Drums
16 - Mother Earth
17 - Gameface > Mountain Jam >Gameface > Power Outage >Gameface
18 - Thorazine Shuffle
Encore:
19 - Reggae Soulshine
Tout juste remis de l'écoute assez difficile du dernier
album (Free/reggae) de Mister Warren Haynes, ce DVD Live tombe
heureusement à pic pour me réconcilier un peu avec la gentille
Mule. Bon je reconnais évidement que ce "Mighty High" est
très respectable musicalement, mais je n'y peux rien, ça
n'accroche pas du tout mes oreilles ! Par contre les 2 concerts
que propose cette sortie DVD correspondent à mon avis beaucoup
plus à ce qu'on est en droit d'attendre de Gov't Mule. C'est, musicalement tout
du moins, ce qui a fait la notoriété de ce groupe ! Je
commence
ce bon moment par le Show de 2006 au Riviera Theatre de Chicago, vraiment
superbe filmage et qualité du son "Top top": des titres
comme "Bad Little Doogie", Mr High & Mighty"
ou "Time to Confess" prennent là un relief particulier et
bénéficient d'une interprétation de tout premier ordre,
et bizarrement la version de "Soulshine" en Reggae ne me gêne
pas, même si j'avoue ressentir
un "Ouf" et une vraie montée de plaisir lorsque, pour les
dernières passes du morceau, Warren lui redonne son vrai tempo et donc
son authenticité !
L'autre DVD enregistré au Orpheum Theatre de Boston en 2004 n'est
pas moins intéressant. Même si la qualité des images est
sensiblement moins bonne, il n'en reste pas moins que les bijoux que
sont les "Bad Man Walking", "Sco-mule","Painted
Silver Light" restent des incontournables dans
la période évolutive de Gov't Mule !
John Molet