DEVON ALLMAN’S HONEYTRIBE Torch (2006)

Musiciens : Devon Allman : Vocals, Guitar / Mark Oyarzabal : Drums, Vocals
George Potsos: Bass / Jack Kirkner: Keys

Titres:
01 Torch
02 Mahalo [Instrumental]
03 No Woman, No Cry
04 When I Call Home
05 Perfect World
06 Mercy Mercy
07 Something I Know
08 Heaven Has No Mercy
09 Why You Wanna Bring Me Down
10 511 Texas Avenue [Instrumental]
11 Nothing to Be Sad About

Dans la famille Allman, je voudrais le... Devon, fils de Greg et neveu de Duane ! A 31 ans, après avoir fait le tour d’un peu toutes sortes de musiques, le fils de Greg, qui a passé son enfance loin de son père, a fini par accepter d’éviter systématiquement les références familiales et a lancé son projet « Honeytribe » sur des rails finalement peu éloignés de ceux du rock sudiste. Si vous cherchez des références incessantes avec l’ABB, passez votre chemin, vous en serez pour vos frais. Honeytribe n’a (heureusement !) pas du tout la même façon d’aborder le blues : c’est un groupe très compétent, encore « neuf », mais soudé comme un gang, qui se jette dans l’arène avec fougue et enthousiasme, et ça se sent dans la façon dont il transmet ses morceaux à l’auditeur.
Et si vous tentez encore de chercher dans la voix de Devon (car c’est lui le chanteur du groupe) une quelconque réminiscence des accents de Papa Greg, vous allez une nouvelle fois être déçus. Le fiston n’a pas hérité de l’incroyable timbre de voix du père, mais il ne s’en sort pas trop mal, se donnant à fond, et martelant avec conviction les paroles. Par contre, il semblerait que son génome lui permette de s’exprimer pleinement sur une guitare, héritage indirect de Tonton Duane. Fallait bien qu’il récupère quelque chose, le petiot, et il a hérité d’un sacré coup de médiator, additionné d’une cheville bien souple quand il utilise la wah-wah. Et là, ça rappelle des trucs, d’autant qu’il utilise préférentiellement une Les Paul et qu’il ne dédaigne pas le bottleneck… Bonne pioche !
Les compositions éclectiques se partagent entre rocks puissants et pleins de sève (« Torch » et « Mercy Mercy », deux véritables brûlots), blues bien carrés qui pètent le feu (« Perfect World » lui aussi très puissant, habité par la wah wah de Devon, « Heaven has No Mercy » et son dobro bien coordonné à l’orgue en opposition avec une « grosse » guitare) ou plus aventureux (« Why you wanna bring me down », qui part rapidement, avec une bonne slide qui réveille le fantôme de qui vous savez, et de bons breaks pour laisser ensuite de l’espace à un solo de basse et à un passage vocal plus calme avant de repartir en trombe), ballades bluesy énergique (« Something I know »), plus plaintive (« When I Call Home », dont la voix de Greg aurait fait un joyau, on peut rêver, mais dont Devon se sort honorablement tout en se distinguant particulièrement à la guitare), deux instrumentaux très différents : « 511 Texas Avenue », aérienne pause acoustique solo de Devon, courte mais bienvenue, et « Mahalo » à qui, malgré son nom hawaïen, il ne manque pas grand chose, du côté percussions peut-être, pour aller chasser du côté de chez Santana. Le disque se termine par “Nothing to Be Sad About”, morceau très entraînant sous forme de blues-swing jazzy avec batterie utilisée avec des balais, un piano vif qui change de l’orgue Hammond très utilisé dans les autres morceaux, et un bon solo de guitare.
Le groupe se permet aussi de faire ressortir les liens reggae/blues à travers la reprise du classique « No Woman No Cry ». Devon insiste pour laisser une grande part au feeling dans sa musique et ça fonctionne. Tout ceci tient admirablement la route et laisse augurer de bien beaux concerts. A noter d’ailleurs que nos quatre lascars font alors souvent appel à Pedro Arevalo pour seconder Devon à la guitare. Pedro Arevalo, voyons, ça ne vous dit rien ? Je vous avais vanté ses mérites comme bassiste chez… Dickey Betts & Great Southern ! Le monde est petit…
Bon sang ne saurait mentir et Devon Allman a réuni autour de lui un excellent groupe, bien compact, qui a mis à profit son expérience de la scène pour concocter un très bon premier disque, rempli d’énergie. La qualité et la versatilité des musiciens leur permettent d’envisager avec sérénité un large éventail de styles, au gré des inspirations de Devon. Dans ces conditions, et vu l’intensité avec laquelle il tourne, le groupe devrait encore s’améliorer. Espérons qu’il pourra concrétiser les promesses qu’il laisse entrevoir. En attendant, contentons-nous de déguster ce « Torch », premier pas en disque d’un Devon Allman arrivé à maturité, et qui a décidé de ne plus s’embarrasser de préjugés pour laisser parler son âme.

Yves Philippot