MOE
Sticks And Stones (2008)
Titres:
1- Cathedral
2- Sticks and Stones
3- Darkness
4- Conviction Song
5- ZOZ (Zed Nought Z)
6- Deep This Time
7- All Roads Lead to Home
8- September
9- Queen of Everything
10- Raise A Glass
Personnal:
Chuck Garvey - guitar & vocals & keyboards
Al Schnier - guitar, vocals & keyboards
Rob Derhak - bass, vocals & keyboards
Vinnie Amico - drums & percussion
Jim Loughlin - percussion, vibraphone & marimba
Allie Kral - violin and viola on "Cathedral", "Conviction Song", "September", and "Raise A Glass." Emilio China - violin on "Cathedral." Umphrey's McGee - backing vocals to "Raise A Glass," Nadine Lafond - additional vocals
Ce nouvel
album de Moe. marque une étape dans la vie du groupe, car contrairement
à ce qui était fait jusqu'alors (tester les morceaux sur scène
lors de longues jam-sessions, en faire quelques enregistrements, puis en retenir
l'essentiel en les abrégeant et mixer des pistes supplémentaires
enregistrées en studio avec les bases enregistrées live), l'essentiel
des morceaux de ce disque a été testé directement en
studio. Le groupe a réussi le tour de force d'écrire, de mettre
au point
ces nouveaux morceaux (avec quelques anciens) et de les enregistrer en trois
semaines dans une ancienne église (cathédrale?) de Nouvelle
Angleterre louée pour l'occasion. Même en arrivant avec quelques
idées, voilà un défi risqué! Le résultat
se traduit par un retour vers l'expression première du rock, avec des
morceaux au format plus concis (l'album est d'ailleurs celui qui dure le moins
longtemps dans l'uvre du groupe, dix morceaux en un peu moins de quarante
et une minutes!)
et un son par moments plus "roots".
Dès
l'intro du premier morceau ("Cathedral"), des notes de violon apparaissent.
Voilà une autre particularité de cet album: l'intégration,
très réussie d'ailleurs, du violon et de ses cousins à
l'univers de moe.. Par ailleurs, hormis les arrangements des cordes, ce premier
titre très agréable
à l'écoute reste tout à fait dans la tradition du groupe,
avec une superposition de rythmes et un refrain puissant. Le suivant n'offre
aucune originalité particulière avec sa rythmique minimale,
malgré la slide qui se balade, mais il reste lui aussi très
plaisant. Sur "Darkness", on observe le contraste entre une basse
reggae et des guitares saturées assez agressives (à l'échelle
moe., s'entend!), le tout parsemé des notes claires du vibraphone,
alors que le morceau ne se met en place que progressivement. De là,
on passe à "Conviction Song" et son intro acoustique très
"floydienne 70's", qui débouche sur une mélodie se
déployant sur un rythme très lent, occasion
de remarquer une fois de plus combien le violon s'accorde bien avec la musique
du groupe.
En milieu de disque, l'instrumental "ZOZ (Zed Nought Z)" tente un
dialogue entre le vibraphone et les guitares qui emmêlent leurs lignes
comme par plaisir, puis on arrive à voir enfin le groupe tenir ses
promesses: "Deep This Time" allume la mèche grâce à
des guitares au son bien crunch, qui déferlent pour scander un rock
vigoureux parsemé d'éclairs de slide, aux vocaux doublés
par un timbre féminin. Et ça continue avec "All Roads Lead
to Home", rock accrocheur, teigneux, de forme assez classique, certes,
mais toujours avec la slide et la deuxième voix féminine, et
qui ne déparerait sur aucune galette d'un groupe typiquement sudiste.
Passé l'accès de fièvre, ça se calme nettement
quand résonne l'intro à la guitare acoustique et au violoncelle
de "September", magnifique ballade aux accents nostalgiques qui
s'étire comme les regrets. L'intro très bluesy mais toujours
très calme de "Queen of Everything" nous laisse penser que
c'en est fini des morceaux remuants quand le titre se réveille et démarre
d'un coup, toujours avec son parfum de blues, mâtiné cette fois
de rock. L'album se termine de manière surprenante mais heureuse par
un de mes titres préférés sur ce disque: sur des claquements
de mains enthousiastes amenant un rythme ternaire, "Raise A Glass"
nous emmène finir la soirée au pub, dans une atmosphère
de fête
où les churs des Umphrey's McGee répondent aux volutes
du violon. Le titre n'a rien de très original, mais véhicule
une véritable atmosphère joyeuse et entraînante, et puis
moi,
ce genre de soirée au pub, j'aime ça! On est Celte ou on ne
l'est pas
On pourra
reprocher à ce disque de ne rien apporter de nouveau sous le ciel du
rock, de se complaire dans des sonorités connues il y a trente ans
déjà, mais moe., ce n'est pas Madonna! L'agrément retiré
à l'écoute de ce disque justifie les choix. De toutes façons,
je préfère nettement ce genre d'album rempli de mélodies
et de rythmes, ciselé par de véritables musiciens jouant sur
des instruments plus ou moins rétifs à leurs désirs,
à de la musique aux sonorités "branchées" fabriquée
à la chaîne par des ordinateurs. Question de principe, mais aussi
de goût. Si je ne dédaigne par des sonorités nouvelles
(voir Anken), celles des années 70 ne me gênent pas, au contraire!
On pourra peut-être aussi mentionner dans les regrets une production
claire, mais un
peu trop léchée pour concrétiser véritablement
une volonté de retour à l'essence du rock, mais force est de
reconnaître que cela ne réussit pas à affadir la musique
proposée. En tout cas, voilà encore un très bon album,
bien conçu, très agréable à écouter, le
plus compact et le plus spontané de la discographie du groupe, malgré
l'existence des enregistrements live, et qui procure aux oreilles de bien
bons moments même s'il n'offre rien de révolutionnaire (n'oublions
pas qu'il a en majorité été conçu et en totalité
enregistré en seulement trois semaines!). Une réussite de plus
pour le groupe, qui récompense ses membres d'avoir pris quelques risques.
Yves Philippot-Degand