TAZ
DI GREGORIO
Shake Rag (2006)
Muisiciens
:
Taz DiGregorio - keyboards & vocals / Mike Lawler - keyboards & guitar
Tommy Crain - guitar / Jimmy English - guitar / Jack Pearson - guitar / Ricky
May - guitar / Jeff Bowden - guitar
Michael Rhodes - bass / Charlie Anderson - bass / Kim Godfrey - background
vocals
Ronnie Godfrey - background vocals / Barbie McCulloch - background vocals
Donna Valence - background vocals / Etta Britt - background vocals
Titres :
1 - Shake Rag
2 - Rampart Street
3 - Living For The Moment
4 - Sylvia
5 - Lonely Hearted Man
6 - Nothing Left But The Blues
7 - Go On And Dream
8 - Midnight At The Crossroads
9 - When His Reign Comes Down
Comment
décrire un tel album dans un webzine lu par des amateurs de rock sudiste
?
Taz DiGregorio est surtout connu pour être le très fidèle
et très estimé claviste de Charlie Daniels, pour lequel il lui
arrive de chanter (bien !) quelques morceaux. Or cet album se situe à
des lieues de la production habituelle de Charlie Daniels. Pour son second
album solo, Taz a décidé d'aborder les choses sous l'angle de
la " dance music ", habituellement très peu goûtée
des aficionados sudistes, et c'est le moins qu'on puisse en dire.
De quoi craindre le pire
qui n'arrive pas, car Taz, en véritable
musicien, a aussi décidé de rendre hommage à certaines
formes de musiques noires issues du blues, alors la première moitié
de cet album regorge de soul habitée, de rhythm'n blues remuant, de
funk soyeux. Pas de problème, malgré un parti pris inhabituel
au niveau des arrangements, les compositions tiennent la route.
Les Strat' cocotent à qui mieux mieux, la programmation de la batterie
et des percussions
(quel dommage de n'avoir pas pris un vrai batteur !) évite la monotonie
et emmène chaque composition vers un climat différent, bien
soutenue par une basse ronde et profonde. L'orgue vient habiller le tout de
couleurs chamarrées pendant que les saxes, les cuivres ou les violons
en nappes apportent tour à tour leur contribution, un peu factice hélas,
dans le décor, et que les churs féminins, chauds comme
la braise, font passer d'agréables frissons dans le dos. On pense par
instants à l'A.R.S., à Wet Willie, mais surtout aux grandes
productions des maisons de disques de la musique noire. Comment traduire sans
trahir la véritable nature d'un disque qui mélange avec un certain
bonheur les ingrédients les plus respectables de la musique qui agite
les foules le samedi soir ? En tous cas, une chose est sûre : ça
swingue !
Et au milieu, la VOIX. Car ce disque sert avant tout d'écrin somptueux
pour la voix voilée, légèrement nasillarde et surtout
très expressive et admirablement posée de Taz, qui sait faire
vibrer comme il faut chaque note. Par moments, on croirait presque entendre
une Tina Turner enfin modérée. On est loin de Johnny O', autre
référence, mais quel bonheur ! Cette qualité n'est pas
une surprise pour ceux qui suivent les aventures de Charlie Daniels depuis
les années 70.
Peut-être un peu frustré de la portion congrue qui lui est accordée
par son patron, Taz avait gardé en lui une grosse envie de chanter,
et s'est concocté du sur-mesure. Comment le rock sudiste
n'a-t-il pas célébré plus tôt cet immense talent
?
Alors on reste loin, très loin de la country dans cet album, dans lequel
il est inutile de chercher d'épiques empoignades de guitares, mais
cela n'empêche pas la réussite comme pour le romantique "
Go on and dream ", ou le superbe et poignant " Sylvia ", qui
réussit le pari de mettre les tripes de Taz sur la table tout en flirtant
avec le disco ( !), preuve qu'on peut composer sans racoler une musique à
la fois mélodique, dansante, sensible et intelligente.
Tout ça ? Ben oui
La country est absente, mais le blues sert
de référence constante, et si le refrain de " Nothing left
but the blues " peut agacer, la fin de l'album tirerait presque sur du
Lynyrd Skynyrd, avec un voyage très " roots " dans la moiteur
hantée des nuits du Mississipi (" Midnight at the crossroads ")
avant l'apothéose rock de l'album : " When the reign comes down
", splendide morceau à la " Voodoo Lake " qui nous laisse
imaginer ce que les seigneurs de Jacksonville auraient pu en faire.
Au final, Taz nous fournit là un album assez typé, mais original,
mélodique et fort bien fait, au service d'un excellent chanteur, beaucoup
plus agréable à écouter que ce qu'on aurait pu craindre,
compte tenu des partis pris de sa réalisation, une très bonne
surprise dont pour ma part je n'arrive pas à me lasser, mais qui risque
de ne pas plaire aux inconditionnels du hard-boogie à tous crins.
Yves Philippot