The Answer
Rise 2007

Ouf ! Quelle entrée en matière ! Pour son premier " véritable " album, le quatuor irlandais fait très fort, très très fort même. Une énergie dévastatrice traverse le disque, bien mise en évidence par un groove énorme. On sent cette terrible volonté de " faire un carton maximal " que l'on rencontre parfois dans certains premiers albums.
On en ressort estomaqué mais heureux, heureux je vous dis !
Compos bien structurées, assez mélodiques pour être chantantes, arrangements futés, production efficace, gros son qui sait rester bien tranchant : tout concourt à canaliser cette énergie brute et
à la transformer en diamant poli. On a évoqué à leur propos les Black Crowes, et bien justement : j'ai retrouvé chez eux exactement ce même acharnement enthousiaste à mettre la plus grosse claque possible à l'auditeur que dans le premier album des corbeaux, ça flingue de partout avec
un rare souci d'efficacité.
Mais en fait, je dois dire que c'est surtout au Cult de " Sonic Temple " que cet album me fait penser, même si nos Irlandais, en bons disciples de Rory, ont gardé les pieds bien ancrés dans leurs racines bluesies (" Memphis Water "), et même si on sent ici et là pointer un chouia de Black Sabbath, de Cactus, de Free ou même d'AC-DC (écoutez bien le disque, il n'y a pas de piège, vous me comprendrez : le quatuor semble aussi être expert dans la courte citation ou dans la captation d'un certain esprit, sans verser dans le plagiat). Puisse cet album devenir un point de repère comparable à ce que furent en leur temps " Sonic Temple " ou " Shake Your Money Maker ",
il le mérite amplement.
A ce moment-là de la discussion, bien sûr, surgit l'ombre du dirigeable : oui, Paul Mahon a le sens du gros riff qui tue et l'habileté de varier son jeu en utilisant toutes les armes du guitariste, y compris le maniement du bottleneck, oui, il mélange habilement sa Les Paul avec sa Telecaster, oui, Cormac Neeson a un gosier trempé dans le blues et produit des aigus de chat sauvage en rut, et oui, le tandem peut faire penser à un tandem ô combien plus célèbre… D'autant que derrière eux James Heatley martèle avec force et swing à la fois, et que Michael Waters utilise son jeu puissant pour finir de donner à l'ensemble son groove insensé.
Oui, on est en droit de penser en les écoutant à un des multiples rejetons de Led Zeppelin.
Voilà, c'est dit, mais point de clonage maladroit et décevant ici, comme trop souvent. Au contraire. D'ailleurs, cette influence est bien mélangée avec toutes celles précitées, et probablement bien d'autres. L'impression qui se dégage ressemble plus à une volonté réelle d'élaborer une musique originale, en se servant de racines et d'influences plus que recommandables, mais peut-être pas encore tout à fait digérées. The Answer donne l'impression d'avoir parfaitement assimilé les leçons du hard-blues et du rock'n roll endiablé, période de la fin des années 60 jusqu'au milieu des années 70, et nous les fait revivre, assimilées et revisitées avec une conviction redoutable par leur vision de musiciens du 21ème siècle, totalement étrangers à cette époque bénie pour la musique.
Après cet ouragan juvénile et bienfaisant pour nos tympans, une angoisse monte soudain :
The Answer a tout pour devenir un grand groupe, une référence dans sa génération, mais vont-ils passer le cap redoutable du second album ?
Les requins du show-biz vont-ils les manger tout crus ? Aaargh ! Ce serait trop bête !
En attendant, pas temps de conjecturer : pour le moment, tout est bon, alors ne vous privez pas, et allez prendre d'urgence une overdose irlandaise, c'est pour la bonne cause, et vous en ressortirez avec une de ces bananes… C'est ça, THE Answer !

Y. Philippot