Personnal:
1974:
John Mc Laughlin : guitare
Jean-Luc Ponty : violon solo
Narada Michael Walden : batterie
Gayle Moran : claviers, chant
Ralph Armstrong : basse, voix
Steve Kindler : premier violon
Carol Shieve : deuxième violon
Marsha Westbrook: alto
Phillip Hirschi: violoncelle
Steve Frankovich: trompette, cuivres divers
Bob Knapp: flûte, cuivres divers et percussions
1984:
John Mc Laughlin: guitare, guitare digitale synclavier II
Mitchell Forman: claviers
Jonas Hellborg: basse
Danny Gottlieb: batterie
Bill Evans: saxophones
Titles:
1974:
Wings of Karma
Hymn to Him
*Power Of Love
*Smile of The Beyond
*Vision of The Naked Sword
*Sanctuary
1984:
Radio-Activity
Nostalgia
East Side, West Side
Clarendon Hills
Medley: Blues for L.W. / It's The Pit / Living On The Crest Of A Wave
Josy
Pacific Express
Mitch Match
Mitch Match (Reprise)
Voilà
qui va réjouir nos amateurs de jazz-rock (si, si, il y en a...), pensez-donc:
à Montreux,
la Mecque de ce genre de Festival, presque trois heures de concert en vidéo
plus une heure et quart de concert audio sur ces deux DVD! Deux concerts permettant
de fixer à dix ans d'intervalle la considérable évolution
du groupe légendaire de Mc Laughlin. On ne peut qu'être en effet
frappé par la différence considérable entre ces deux
prestations.
En 1974, dans un décor très clair, des musiciens presque lumineux
forment un groupe étendu
(onze sur scène!) et jouent une musique novatrice, teintée de
réminiscences indiennes (d'Asie!)
et celtes. On est déjà dans la "World Music", les
Beatles et Brian Jones ayant montré le chemin. Propulsés par
une remarquable rythmique chaloupée et quelquefois complétée
aux percussions par le flûtiste-multiinstrumentiste Bob Knapp, soutenus
aux claviers (orgue et piano électrique) par Gayle Moran (future Mme
Chick Corea), les deux solistes vedettes rivalisent, au bon sens du terme.
Ponty utilise les ressources, encore largement inédites pour la plupart,
de son violon électrique tandis que Mc Laughlin se sent encore assez
gaillard pour supporter tout le concert le poids de sa célèbre
double manche. Le jazz-rock, musique encore taxée de "révolutionnaire"
et pétrie d'expérimentations et d'improvisations, a le vent
en poupe et le groupe en est un des
porte-drapeaux. Mais là, une grande partie des notes jouées
est soigneusement écrite sur de grandes feuilles de partitions visibles
ici ou là.
On sent dans l'attitude des musiciens qu'ils défrichent ensemble de
nouveaux territoires musicaux où leur virtuosité et leur goût
de l'innovation pourra s'exprimer à loisir. Cela produit une dynamique
très particulière que les caméras, encore si lourdes
et si encombrantes qu'on les laisse montées sur des pieds, ont particulièrement
bien su saisir, à travers des cadrages souvent bien venus et quelquefois
originaux (celui de Narada Michael Walden entre les manches de la guitare
de son boss semble avoir eu particulièrement la cote). Le concert est
bien restitué, avec un excellent mixage, ce qui n'était pas
une sinécure, au regard du nombre de musiciens, et de la variété
de leurs instruments. Bref, de la qualité un peu partout, et l'émotion
pour les aficionados de retrouver
des moments historiques.
En 1984, l'ambiance change. Sur un fond noir, des caméras disposées
de façon très différentes captent l'énergie d'un
groupe relativement restreint (deux fois moins de musiciens quand même!).
Plus de violons ou de cordes autres que la guitare du leader, plus de cuivres,
et John Mc Laughlin qui préfère se consacrer à l'exploration
des possibilités du synclavier que d'intervenir avec un son typique
de guitare (malgré ici ou là l'utilisation ponctuelle d'une
bonne vieille rape).
La rythmique, encore une fois remarquable, bien que composée de musiciens
différents, "pousse" toujours autant, mais on sent que les
temps ont changé. Dix ans après, le jazz-rock a subi les assauts
du nihilisme punk et de l'abrutissement disco: trop "intellectuelle",
ce n'est plus une musique novatrice à la mode. Après une bonne
décennie d'expérimentations de tous poils, elle est même
presque devenue "classique". Le groupe adopte donc une autre attitude,
qui ne plaît pas forcément aux puristes, en incluant plus souvent
des mélodies plus "évidentes" et des schémas
et emprunts plus marqués par le rock, comme ici "Isn't she lovely"
de Stevie Wonder et "Little Wing" d'Hendrix dont Jonas Hellborg
nous livre une formidable interprétation en solo sur sa basse.
On ne sent plus un Mc Laughlin, par contre très décontracté,
et présentant maintenant au micro
les morceaux, "poussé" musicalement par Bill Evans, qui s'offre
en holocauste la plupart du temps, comme il l'était dix ans plus tôt
par Jean-Luc Ponty. Mais même en troquant son sax alto carotte pour
un plus imposant sax ténor, notre saxophoniste n'arrive pas à
stimuler son leader au point
de lui faire aller chercher au fond de lui ses dernières ressources.
En revanche, la musique risque d'être plus accessible pour un néophyte,
surtout à la fin du show. Le groupe, quand même visiblement joyeusement
soudé, satisfera à deux rappels. Dix ans après, le grand
John est revenu sur la scène de Montreux et a livré une prestation
enjouée, heureuse, mais qui donne l'impression d'avoir été
produite plus par des bidouilleurs virtuoses possédant parfaitement
leur art que par
de réels innovateurs.
Vous l'avez compris, les fans de jazz rock pourront se précipiter sur
ce double DVD "historique" bien filmé, bien sonorisé
(trois options de son), bien mixé et retranscrivant pour chacun de
nous deux concerts intéressants, révélateurs de leurs
époques respectives. Pas de bonus: les prestations se suffisent à
elles-mêmes, on regrettera juste de ne pouvoir disposer des images
de tous les morceaux de 1974, mais en l'état ce double DVD ne manque
vraiment pas d'atouts
ni d'intérêts.
Y. Philippot