Interview Alan Plug'n Play mai 2015
Bonjour Alan, malgré la présence régulière de vos CD dans nos chroniques, cela fait pas mal de temps que nous n'avons pas orienté une de nos interviews sur la production de Plug'n Play (bien que Julien soit passé dans nos colonnes, pas seulement pour Plug'n Play, mais aussi en tant que bassiste de Jesus Volt). Votre album «Times» et le prochain festival de La Chapelle Saint-Luc nous donnent l'occasion de s'intéresser à nouveau au groupe.
Tout d'abord, votre nouvel album a été comme d'habitude enregistré et mixé par Rich, votre sonorisateur et songwriter, frère de Fred votre chanteur. A-t-il été enregistré dans son studio personnel ? Et cette fois-ci, avez vous suffisamment alimenté Christophe et Fred en boissons (ceux qui ont lu une précédente interview du groupe par John Molet comprendront…) ?
Oui comme à notre habitude depuis le 1er EP, et cette fois ci, c’était plutôt rhum et spécialités antillaises pour répondre à ta deuxième question.
A part la question cruciale des boissons, qu'avez-vous changé cette fois dans le processus d'écriture et d'enregistrement ?
Rien de fondamentalement différent, il y a les titres de Christophe, ceux de Rich et les miens, Rich écrit tous les textes et arrangements de chœurs, puis tout est retravaillé en groupe de façon à avoir les titres les plus efficaces possibles. Pour l’enregistrement, on privilégie les rythmiques live, et ensuite on travaille les chorus et arrangements de guitares. Les voix et percus sont faites en dernier.
Vos compositions semblent encore plus diversifiées aujourd'hui, à l'instar de l'éclectisme d'un groupe comme Point Blank qui fait partie de vos grandes influences, est-ce dû à votre volonté d'aller explorer d'autres horizons ou de laisser plus volontiers parler d'autres influences que le strict blues texan dont on vous sait fans ?
On ne s’est jamais vraiment fixé de limites tant que l’on reste dans le consensuel du groupe, à savoir classic-rock au sens large, avec trois styles d’écriture et influences qui se croisent et s’entremêlent.
En dehors des influences texanes, très présentes chez Christophe, tu avais avoué dans une précédente interview aimer quelques groupes plus franchement sudistes, comme 38 Special, les Allman et Lynyrd Skynyrd, plus certains «bébés» de ces musiciens, comme Gov't Mule, mais aussi des groupes anglais comme Status Quo, Led Zeppelin, et Thin Lizzy et californiens comme les Eagles, alors que tu citais les Beatles dans une autre interview chez un confrère, peux-tu nous en dire plus sur les autres grandes influences du groupe, ou pour compléter ce que tu as dis sur celles citées ?
Mes influences de base sont le rock et la pop anglaise, d’où mon goût prononcé pour les mélodies et harmonies vocales, c’est certainement pour cela que je m’y retrouve dans les groupes que tu cites. Comme tu le soulignes, Chris est très rock texan, mais aussi ouvert d’esprit sur tout ce qui est bon. Richie a des goûts plus musclés, très en place et tout ça, mais toujours avec subtilité. L’école Led Zeppelin fait consensus.
Que penses-tu de l'arrêt de l'ABB ? T'intéresses-tu, en plus de Gov't Mule, aux différents projets de Warren Haynes et aux différents groupes successifs de Derek Trucks, et en particulier au dernier, le Tedeschi-Trucks Band ?
Personnellement, je préfère voir un groupe s’arrêter plutôt que de sombrer dans la caricature ou le tribute. Oui, pour Derek Trucks, difficile de ne pas s’intéresser à cet ovni quand on est guitariste (même si je ne joue pas de slide), j’aime son ouverture d’esprit et sa façon de transcender les cultures musicales. Vu plusieurs fois, ainsi qu’avec le Tedeschi-Trucks Band, dès que Susan se met à chanter, c’est les poils…, quelle puissance! Warren Haynes, je suis fan depuis le début, le style, le son, un maître absolu…par contre, je décroche complètement de ses tributes divers et des nombreuses sorties discographiques qui vont avec.
Pas mal des morceaux de l'album sonnent familièrement aux oreilles de ceux qui vous suivent, pour les avoir plusieurs fois entendus en concert. Est-il primordial pour vous de roder vos nouveaux morceaux sur scène avant de les enregistrer? La scène vous invite-t-elle à beaucoup les modifier, ou aide-t-elle juste à la fluidité et la sûreté de l'interprétation ?
Non, pas vraiment de règles ni de modifications notoires sur les titres joués en live, c’est juste qu’entre l’écriture des morceaux et le moment où on va les enregistrer, il peut se passer pas mal de temps, un peu trop à mon goût…
A l'inverse, certains morceaux sont-ils nés et ont-ils vécu uniquement en studio ?
Oui, il y en a deux qu’on a jamais joué live, mais ça viendra sûrement.
Cet album semble un tournant pour le groupe dans le sens où, après un intermède acoustique, votre son semble accorder plus de place à des ambiances différentes du blues lourd auquel vous nous aviez principalement habitués. Est-ce un phénomène durable ou cela est-il juste dû au caractère particulier de certaines compositions? Pensez-vous dans l'avenir continuer à faire évoluer ce son, ou pensez-vous vous recentrer sur un son plus traditionnel pour vous ?
Disons qu’on a peut être accordé plus de soin aux nuances et au travail sur les arrangements, pour avoir un album homogène qui puisse s’écouter sans fatiguer ou s’ennuyer. Il n’y a pas de réflexion ni de stratégie quand on écrit, notre son reste traditionnel et analogique de toute façon, même si un peu moins gras, on se fait plaisir avant tout.
L'enregistrement acoustique a-t-il durablement modifié votre façon d'envisager le son du groupe ?
C’était une super expérience, qui nous a demandé bien plus de temps et d’énergie que ce qu’on imaginait au départ. Quand on a décidé de changer les arrangements, c’était comme écrire de nouveaux morceaux et plus du tout une récréation, plutôt une re-création… très enrichissant, mais cela n’intéresse pas grand monde
Vous avez toujours souligné les constructions vocales des groupes sudistes et californiens, et vous avez toujours porté une grande attention aux arrangements vocaux, où votre ancien bassiste Jean-Philippe tenait une grande place et où Rich s'est aussi toujours beaucoup impliqué de sa table de mixage. Avec l'arrivée de Julien, ce secteur a forcément été touché. Comment vous êtes-vous réorganisés ?
Pas trop de problèmes pour ce qui est des enregistrements, avec les deux frangins. En ce qui concerne le live, et bien Chris et moi on en fait beaucoup plus qu’avant, on prend même quelques leçons avec une amie chanteuse lyrique, on adore ça… Et puis Julien a aussi une bonne voix je trouve, il monte très haut, façon Bee-Gees (ses idoles).
Ce secteur a connu pas mal d'évolutions avec en particulier, avec Bruno, la présence à un moment de deux chanteurs sur le devant de la scène. Depuis vous semblez vous stabiliser autour du choix de Fred comme unique «frontman», est-ce définitif ?
Joker…
On va aborder des domaines plus techniques: si Christophe reste fidèle à sa Les Paul, on t'a par contre vu utiliser plusieurs guitares au long de ces dernières années: Les Paul, Firebird, Telecaster… Cette dernière semble avoir ta préférence depuis quelques temps, est-ce en raison de ses qualités propres vis-à-vis de ton jeu ou à cause de sa complémentarité avec la Les Paul de Christophe dans la construction du son du groupe ?
Il y a un peu de tout cela, la Tele est très pratique et versatile, j’alterne avec la LP sur les derniers concerts. Sur Times, elles ont toutes été utilisées, y compris la Firebird (sur Crash).
En tant que guitariste, tu sembles avoir préféré l'exploration sonore réfléchie afin de donner la couleur souhaitée aux arrangements au pur exercice technique, peux-tu nous en parler ?
Effectivement, j’adore le travail sur le son, c’est de la technique aussi Les guitaristes qui m’impressionnent sont ceux qui ont le style et le son, vraiment rien à battre des palucheurs de manche…
Comment se passe le partage des parties de guitare avec Christophe, qui semble avoir un jeu plus instinctif ?
Chacun essaie de faire au mieux, il n’y a pas de partage réfléchi, ça dépend des morceaux… on se connaît tellement que quand on écrit chacun de notre côté, on sait qui fera quoi. Et pour ce qui est des solos un peu techniques, Christophe le fait clairement mieux que moi.
Christophe et toi couvrez un large spectre de styles et de techniques, vous semblez parfaitement suffire à assurer les parties de guitares d'un groupe aussi original dans sa démarche que Plug'n Play, alors pourquoi demander la participation d'un guitariste extérieur comme Fred Solo ?
C’est un joke, Fred voulait absolument être crédité pour toutes ses errances acoustiques qu’on entend par ci par là sur l’album. Tout est fait en interne, et de façon spontanée pour tout un tas de petits arrangements et bruits divers pris sur le vif, disséminés sur l’album entier.
Si mon petit doigt ne m'a pas menti, Plug'n Play s'accorde un demi-ton plus bas que l'accordage standard. Utilises-tu parfois des accordages alternatifs, comme les accords ouverts ou le «dropped D»?
Oui, effectivement et même quelquefois plus bas. Et oui aussi, pas mal de titres en dropped D.
Sur le titre «November», de votre dernier album, qui joue la partie d'orgue?
Joke aussi, tout en interne… sauf que là ce n’est pas Fred.
Dans une précédente interview, Christophe évoquait la possibilité pour vous de reprendre en vous l'appropriant un morceau de Calibre 12. Auriez-vous cette idée pour un prochain album?
Tout est toujours ouvert avec nous, qui sait de quoi sera fait demain ?…
Eric, votre excellent batteur, est aussi bassiste d'un groupe de musiques du monde. Les autres membres de Plug'n Play participent-ils eux aussi à d'autres aventures musicales?
A part Julien, qui est également dans Jesus Volt, non. On n'aurait pas le temps de toute façon, l’emploi du temps est déjà très chargé, et on n'est plus si jeunes…
Cela fait quoi d'ouvrir comme vous l'avez fait en 2011 pour un groupe qui est une influence majeure comme
Point Blank?
Super souvenir, à chaque fois un peu humide, mais la 2ème était la bonne
Parlons maintenant un peu de La Chapelle Saint Luc et de son festival, qui a succédé à celui de Charmont. Nous sommes chaque année bluffés par son organisation impeccable, qui suppose un gros travail. Comment faites-vous chaque année pour nous offrir un tel plateau? Vos moyens ont-ils beaucoup grossi depuis les premiers numéros du festival à Charmont?
Non, les moyens financiers à notre disposition pour la programmation sont toujours les mêmes, seule la logistique est différente et plus fluide. C’est encore et toujours une question de travail, d’investissement personnel, de carnet d’adresse et de débrouille, et aussi l’envie de se distinguer un peu des soirées et festivals standardisés, même si du coup c’est beaucoup plus dur.
Pour l'expérimenter régulièrement moi-même, je connais la difficulté d'être organisateur d'une manifestation musicale et de faire partie de l'affiche en devant assurer une prestation scénique. N'est-ce pas trop compliqué, surtout au niveau où en est le festival aujourd'hui ? En avez-vous un jour eu assez et évoqué la possibilité que le groupe ne joue par lors d'une édition de ce festival ?
Si, bien sûr que c’est compliqué, mais pour nous c’est aussi la cerise sur le gâteau et notre façon de participer à la fête, n’oublions pas que c’est la soirée annuelle de PnP.
Nous en avons déjà parlé: si la date à Charmont permettait de venir assister au festival tout en se produisant à diverses Fêtes de la Musique, la date actuelle, très proche de celle de la Fête de la Musique, peut bloquer pas mal des musiciens qui font partie du public fidèle du festival. Penses-tu qu'il puisse y avoir une évolution dans les années à venir ?
Je ne peux pas te répondre sur ce sujet pour l’instant, ni sur la date, ni sur la tenue d’une prochaine édition, un peu compliqué pour la culture en ce moment et cela risque de bouger encore, et pas forcément dans le bon sens.
Que penses-tu de la scène française originale (je ne parle pas des groupes hommages) qui tourne autour du boogie, des rocks sudistes et texans ?
Comme cela se situe plutôt dans ma tranche d’âge, je crois connaître à peu près tout le monde. Il règne un bon esprit en général, le constat actuel est qu’il n’y a plus beaucoup d’endroits où jouer et aussi que cette musique n’intéresse plus grand monde, vaste sujet… je ne veux plus me prendre la tête avec ça.
Je te sais très à l'affût des talents émergents. Outre les groupes jusqu'alors chargés des intermèdes à La Chapelle, tu avais aussi invité Texaroma à Charmont. Aujourd'hui, pour rester dans l'environnement musical de Plug'n Play, qui vois-tu émerger dans cette famille musicale française ?
Déjà, c’est devenu très compliqué d’exister en tant que groupe de rock aujourd’hui, alors pour émerger vraiment… je vois des jeunes qui jouent très bien, mais ce qui est très dur c’est de porter et de faire aboutir un projet dans le temps, sachant que le temps chez les plus jeunes est beaucoup plus court qu’avant c’est pas de la langue de bois, ça?
Nous t'avons déjà posé la question traditionnelle de RTJ, alors, pour rester en phase avec la question précédente, quels sont depuis deux ou trois ans les cinq derniers groupes ou artistes français dont le CD t'ait impressionné ?
Comme je te le disais plus haut, c’est le travail sur le son et l’aspect «titre efficace» qui m’intéresse de prime abord, et comme en plus il faut que ça chante… je deviens un peu exigeant et cela ne s’arrange pas avec l’âge, donc ce serait compliqué pour moi de te citer 5 groupes français qui réunissent ces conditions à part ceux qu’on côtoie ou qui sont programmés sur La Chapelle 70’s, ce n’est que mon humble avis mais c’est le mien
Merci Alan.
Merci à toi Yves, ainsi qu’à Philippe et toute l’équipe de RTJ.
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