Philippe ARCHAMBEAU
Interview GENERAL STORE
Le retour
au premier plan depuis quelques années de l'Allman Brothers Band et
l'impact de ses "nouveaux" membres à travers des groupes
comme Gov't Mule, Dereck Trucks Band, ou des productions plus isolées
comme celles d'Oteil Burbridge, ont stimulé la créativité
de nouveaux adeptes du rock sudiste. La France, et en particulier tout l'ouest,
près des côtes atlantiques,
n'est pas à la traîne de ce côté. A côté
de Texaroma en Bretagne, remarqué par leur album novateur et leur prestation
impressionnante à Charmont, et du Feel More Band, dans la région
rochelaise, sévit aussi "General Store Band", le plus "sudiste"
de ces groupes, puisque originaire de la région bordelaise. La sortie
de leur tout récent et excellent album et leur passage récent
du format de trio au format de quatuor nous ont donné l'occasion de
poser quelques questions
à Will Lester, guitariste et leader du gang, qui n'a pas ménagé
ses efforts pour nous expliquer
la démarche du groupe.
RTJ: Bonjour
Will, et merci de répondre à quelques questions.
Will: Salut Yves, et merci avant tout pour cette interview pour Road To Jacksonville.
RTJ: General
Store est connu surtout dans le monde du rock sudiste français, mais
ses influences semblent beaucoup plus larges et diversifiées, et tu
sembles le revendiquer sur le site.
Est-ce important pour toi ce brassage des genres ?
Will:
Pour rentrer dans le vif du sujet, les toutes premières influences
de General Store ne sont pas du rock sudiste mais bel et bien la scène
Soul, Rhythm & Blues et Rock n' Roll de la fin des Sixties et tout le
courant Rock et Psyché des Seventies.
Quand en 1992, il a fallu trouver un nom au groupe et qu'il y avait tellement
de styles de musique qui nous plaisaient, j'ai proposé le nom de General
Store, vous savez, ces magasins-bazars
où l'on trouvait de tout dans l'ouest américain. Je trouvais
que cette appellation convenait bien
à un groupe puisant sans complexe dans plein de ziques différentes.
Pour se faire un premier répertoire, il y avait vraiment de tout, si
je me souviens, on reprenait du Ray Charles, Hendrix, Beatles, Stones, Led
Zep, Deep Purple, Free, Doors, Bob Marley, Santana, Ten Years After, John
Mayall, Cream, Clapton, SRV, Stevie Wonder, des standards de Blues
.
Rien de très Southern, et puis on a découvert Lynyrd, The Outlaws,
et surtout les Allman Brothers et tous leurs fils spirituels. Mon Dieu, quelle
richesse musicale, que de liberté et de possibilité, tous ces
mélanges musicaux et culturels sont passionnants. L'héritage
musical des Allman est énorme et je dois reconnaître que c'est
ce groupe qui m'a le plus intéressé dans la mouvance Southern
Rock de part ce côté ouvert et novateur. Je crois que j'aime
toutes les époques même
les années 80 avec riff de castagnettes et synthés FM.
Si on regarde bien, tous les groupes issus de la culture Allman sont à
la mode aux USA
et jouent sur les scènes les plus en vue. Ils sont eux-mêmes
le résultat d'un métissage musical avec comme origine de base
pour tous : le Blues.
RTJ: Dans
ce cadre, tu ne dois pas être affreusement choqué si on te dit
que sur votre dernier album certains titres font plus penser au Cult de "Sonic
Temple" ou à du Pink Floyd vitaminé
qu'à du rock sudiste, ou que "Big Natural Woman" ne peut
renier une filiation certaine avec
"Whole Lotta Rosie" d'AC-DC. Reconnais-tu ces influences ?
Will:
Les groupes que tu viens de citer font partie de nos influences, mais nous
étions très loin
de penser quand nous avons composé nos titres, qu'ils vous feraient
penser aux artistes dont tu parles.
Fin 1990, Le groupe qui m'a vraiment donné envie de jouer a été
Led Zeppelin, puis j'ai découvert les autres groupes british comme
Deep Purple, Black Sabbath, Pink Floyd, et le Hard eighties de Maiden et AC/DC.
Ce n'est que quelques années plus tard que j'ai découvert les
Allman and Co.
En parallèle, j'ai toujours aimé le Blues, qu'il soit roots
ou moderne, j'écoute de plus en plus de jazz, et pas mal de trucs dans
des styles très différents, comme on dit, tant que ça
sonne !
Urban Chad, le batteur qui est dans General Store depuis 1992, vient du rock
prog et de la scène 70S, il est aussi et surtout un grand fan des songwriters
américains comme Neil Young, Tom Petty, Springsteen, John Hiatt
Phil Sun, bassiste avec nous depuis 2005, vient du Jazz avec Bill Evans, Kenny
Burrel, John Scofield, et Uzeb !
Quant à Bob Franks, organiste, pianiste, c'est un inconditionnel de
Ray Charles, James Brown, Maceo Parker, Diana Krall et Supertramp !
RTJ: Les compos se distinguent souvent par leurs qualités mélodiques, en particulier par des refrains accrocheurs. Cela est-il le fruit d'un travail délibéré ou alors les morceaux arrivent-ils "comme ça"?
Will:
La mélodie est l'aspect le plus difficile avec l'écriture des
textes. Je compte sur les qualités mélodiques d'Urban qui nous
a trouvé la plupart des refrains.
En ce qui concerne l'écriture des chansons, nous essayons d'apporter
le maximum d'éléments à la répet' et nous proposons
nos riffs et idées. Le plus difficile est de ne pas partir dans tous
les sens dès qu'un riff se propose à nous. Je compose les textes
en dernier et l'on ajuste le tout. Nous laissons à chacun la possibilité
de donner son avis pour garder l'unité de composition du groupe, mais
nous sommes parfois obligés de trancher pour choisir une direction.
RTJ: L'idée
de vous adjoindre un clavier semble flotter dans l'air depuis longtemps.
Comment s'est-elle imposée et pourquoi axer ses interventions sur votre
disque uniquement sur l'orgue, même s'il faut reconnaître que
ses sonorités chaleureuses et puissantes "collent"
très bien aux arrangements et au son général du groupe
?
Will:
Effectivement, j'ai toujours voulu incorporer un organiste-pianiste depuis
la création du groupe, mais je crois que sur Bordeaux, ce genre de
musicien n'existe pas.
Il nous a fallu plus de 10 ans pour enfin trouver celui qui pourrait nous
convenir.
General Store a été le laboratoire de plusieurs formations différentes
selon les époques, trio, quartet, quintet and more. Mais je crois qu'aujourd'hui
nous sommes arrivé à la formation idéale au niveau du
nombre et des possibilités instrumentales.
Pour finir, j'ai toujours le frisson quand j'entends le son d'un Hammond,
je crois que c'est l'instrument que j'aurais choisi si je n'avais été
guitariste.
Les sons Hammond sur l'album, sont pris directement sur la cabine Leslie grâce
à 3 micros et nous étions tellement heureux du résultat
qu'aucun autre ajout de keyboards ne nous est venu à l'esprit.
RTJ: Comment s'est passée l'intégration du nouveau venu?
Will:
Nous jouions sur le Festival de Jazz de Cussac Fort Médoc, le 14 Juillet
2006, et un pote d'Urban est venu nous voir sur scène. À la
fin des années 90, il jouaient ensemble dans un groupe de rock à
la Whitesnake, et s'étaient perdus de vue musicalement depuis. Jamais
nous n'avions pensé à demander à Bobby de jouer avec
nous, car lui pendant les 90's, était branché pop rock. Donc,
après ce fameux concert, il nous a dit qu'il nous fallait absolument
un Keyboard. Une audition plus tard, il fut officiellement incorporé
dans General Store. Il a eu 4 mois pour assimiler les compos de l'album qui
allait être enregistré sur fin mars / début avril 2007.
Nous lui avons laissé la liberté de ses arrangements en lui
souriant quand ça sonnait bien et grimaçant quand l'harmonie
était douteuse, Le langage des signes, quoi !
Il a vraiment bossé et le groupe lui tire son chapeau pour son adaptation
et sa rapide intégration, sans avoir remis en question le fonctionnement
du groupe et ses règles.
Il est aujourd'hui, et en quelques mois seulement, tout aussi impliqué
que les fondateurs.
RTJ: Sur scène, ferez-vous "vivre" ces nouvelles compositions dans un format moins restreint que sur le disque, en particulier en accordant à Bob Franks (claviers) plus de liberté pour improviser ?
Will:
En live, bien sûr, beaucoup plus de choses sont permises. Mais je vous
rappelle que pas mal de nos titres frôlent déjà les 8
minutes. Nous avons des covers dans le répertoire qui permettent d'improviser
et de tenter nos envies du moment. Nous improvisons beaucoup en concert et
je laisse pas mal de grilles de liberté à Bobby qui vient répondre
à la guitare par ses interventions solos.
RTJ: Bob Franks prendra-t-il plus d'importance dans les arrangements et/ou
les compositions dans le futur, car sur le disque il se cantonne à
la rythmique à l'orgue avec un seul solo, alors que sur
le site, il est nettement mentionné ses possibilités d'user
d'autres claviers (Rhodes, Wurlitzer
) ?
Will:
Nous avions terminés à 85% les morceaux quand Bob nous a rejoint.
Le son de l'orgue Hammond s'est imposé de suite, les parties d'orgue
sonnaient terriblement comme nous l'imaginions, ensuite le temps nous a manqué
pour parfaire des parties piano et le studio impose un timing serré,
surtout quand c'est vous qui produisez un disque!
Promesse est faite que dans le second album de General Store, Bob Franks aura
beaucoup plus d'arrangements à faire aux niveaux de la gestion des
sons orgue, piano, Wurlitzer et Rhodes.
Il sera aussi largement sollicité pour la création des nouveaux
titres, d'ailleurs s'il pouvait nous amener un prochain album déjà
fini, ça nous ferait gagner 1 an ou 2 !!!!
RTJ: Ce
n'est qu'en 1999, pour le retour en trio de General Store que tu te mets au
chant,
or tu as une belle voix, qui correspond bien à un style bluesy. Pourquoi
ne pas l'avoir fait avant, manque de confiance ?
Will:
Dans le General Store des 90's, nous avions un chanteur lead, assez charismatique
et impressionnant par le fait de tenir la scène. Moi, à l'époque,
je présentais le groupe et les musiciens, je n'avais un micro que pour
ça ! (Rires)
Quand nous avons mis en stand-by General Store pour diverses orientations
musicales, je crois que beaucoup d'entre nous voulaient essayer d'autres groupes
et jouer avec d'autres musiciens,
je me suis rendu compte que je devais, entre autres pour des raisons pratiques,
me mettre absolument au chant et à long terme devoir prendre la place
de guitariste chanteur.
RTJ: Sur
l'album, tu donnes l'impression, pour faire varier les timbres de voix, de
t'inventer
un "double fantôme" à la voix filtrée, qui intervient
et te répond dans plusieurs compositions. Pourtant Urban Chad et Bob
font les churs. Un début de schizophrénie, ou le manque
d'un alter ego vocal dans le groupe ?
(RIRES)
Will: Non, non, c'est un effet voulu. Pour imiter un peu une voix bien sombre
et basse, style
voix d'outre-tombe. Je dirais que c'est d'avoir beaucoup écouter Billy
Gibbons et James Hetfield.
Sur les titres où mes churs me répondent, nous avons voulu
garder la couleur principale du chant lead, et doublé, voire triplé
certains de mes churs. Je ne cherche pas non plus d'alter ego vocal,
je suis plutôt schizo !!! (Rires)
RTJ: Le fait d'avoir maintenant trois chanteurs dans le groupe vous donne-t-il
envie de plus travailler les choeurs ?
Will:
Nos trois voix sont très différentes et il n'est pas toujours
facile de les associer, il faut trouver les bons endroits pour les placer.
Bien sûr, cela donne un côté moins brut et plus Pop
aux chansons, cela permet aussi d'élaborer des questions-réponses
entre les churs. Mais nous restons au service du chant lead qui doit
être appuyé quand il le faut. À long terme, je serais
pour un groupe multi chanteurs. Tous les morceaux ne se prêtent pas
à des churs, je ne suis moi-même pas fan à chaque
chanson d'envolées lyriques vocales, à nous de gérer
cet atout
à bon escient.
RTJ: Le disque se distingue aussi par de très beaux sons de guitare. Il regorge en particulier de sonorités typiques de Les Paul. Sur le site du groupe, il est indiqué que ton matériel est constitué de guitares Gibson branchées sur des amplis Soldano. Peux-tu nous en parler ?
Will:
J'ai toujours été un aficionados des guitares Gibson, je commence
à avoir une petite collection, mais il m'en reste encore beaucoup à
acquérir.
Va falloir vendre un max d'album (RIRES) !!!!!!
J'ai eu la chance de travailler pendant des années dans une "guitar
shop" et je crois que j'ai essayé tout ce qu'un guitariste peut
essayer ! Mais je me suis très vite rendu compte que seule une très
bonne guitare associée à un excellent ampli, (et un peu de travail
bien sûr !)
était la clé d'un son de gratte plein, riche et puissant.
L'album a été enregistré avec mes 2 principales "Les Paul Reissue" et le mélange d'une tête Marshall JCM800 et de ma Soldano associées à 2 Baffles Marshall. Quelques delays ont été rajoutés à la prise pour adoucir certains solos. Pour les amateurs de sons, les guitares que vous entendez sur le CD sont celles des prises dans la cabine sans retouche. Le niveau sonore dans la cabine était assez élevé, c'est ce qui donne cette pression au grain de guitare. En ce qui concerne les micros devant les HP, il y avait tout un assortiment, environ 3 micros par enceinte. C'est Fred Foulquier, l'ingénieur du son du Studio Le Phare à Mérignac qui s'est chargé de mixer tout ça.
RTJ: Comment
entrevois-tu l'évolution musicale du groupe? Avez-vous continué
à évoluer
depuis l'enregistrement de l'album?
Will:
J'espère une émulation de plus en plus grande entre nous, que
chacun arrive à se connaître mieux, car certains ne sont pas
là depuis très longtemps et rien ne remplace les années
passées
à jouer ensemble. Le plus intéressant reste à faire,
affirmer notre passion pour notre groupe, continuer à composer et tourner
le plus possible.
Nous avons en projet un second album de compos en prévision, mais,
à part quelques riffs et couplets par ci par là, tout reste
à faire.
RTJ: Je trouve la pochette du CD très intéressante et très élaborée. Est-ce le produit d'un travail interne ou le fruit d'une collaboration extérieure?
Will:
C'est le produit d'un long travail de discussion entre nous. Le fil conducteur
de la création de la jaquette est lié de très près
avec le titre de l'album "Vision Of Diversity". Cette vision de
diversité est avant tout celle de notre culture musicale, que nous
avons humblement essayé de faire transparaître à travers
l'album. Diversité elle-même étroitement liée avec
les gens qui la composent et la font évoluer à travers le monde.
Le rapport avec la diversité du monde animal est apparu comme une évidence
lors de la séance photos faite dans ce vieux musée d'histoire
naturelle à Bordeaux qui sent bon Darwin et le formol. David Janssen,
photographe et créateur de la jaquette nous a bien compris en matérialisant
notre
. Vision !
RTJ: Sais-tu qu'il existe en Bretagne un groupe de country plus orienté bluegrass, qui a " commis " un album (" De la country dans la contrée " en 2002) et qui s'appelle aussi General Store ?
Will:
Oui, j'ai vu une fois ou deux sur le net quelques infos concernant un country
band breton s'appelant General Store, j'ai pensé que c'était
un bon nom pour un groupe !
Euh, je ne sais quoi te dire, faut qu'on change de nom ??? (RIRES) !!!
RTJ: Je
suppose qu'il suffira d'être attentif, car vous, vous vous appelez "General
Store Band",
et vous êtes bien rock et blues, alors qu'eux s'en tiennent à
"General Store", et ils affichent clairement leur appartenance à
la country-music. Je te remercie beaucoup, Will, de ces réponses détaillées
qui contribueront à mieux faire connaître le groupe.
Will: Merci Yves pour tes très bonnes questions.
Yves Philippot
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