THE MARSHALL TUCKER BAND
Carolina Christmas (2005)

Musicians :
Doug Gray - lead vocals / Chris Hicks - lead guitar & vocals /
Stuart Swanlund - guitar & vocals / Pat Elwood - bass
David Muse - keyboards, saxophone & flute / B.B. Borden - drums
Additional musicians :
Paul Hornsby - piano & organ / Clay Cook - piano & background vocals

Un album de Noël, un de plus? Ce type de production tend à devenir une tradition chez les sudistes, avec plus ou moins de bonheur, et un line-up très fluctuant (celui de Lynyrd Skynyrd incluant par exemple deux titres totalement " étrangers " au groupe : un de 38 Special et l'autre de " Charles " Daniels). Alors celui du Marshall est-il à la hauteur de l'événement ? Ma réponse sera sans appel : oui, cent fois oui… tant qu'on n'attend ni rock sudiste, ni country endiablée. Ce qui domine ici a la couleur d'un swing jazzy très fin, plus ou moins teinté selon les morceaux, démontrant à l'envi la capacité des musiciens. Bref, nous sommes dans un tout autre univers que la production habituelle Molly Hatchet, par ailleurs fort appréciable. Pourtant cet album très réussi réjouira nos oreilles sudistes, enfin celles des plus évolués d'entre nous, dans une ambiance volontairement affichée comme familiale et chaleureuse, renforcée par la présence notable d'anciens du groupe comme Jerry Eubanks ou George Mc Corckle. Le MTB réuni, toutes générations confondues, vous convie à sa veillée de Noël… Que des bonnes intentions ! La remarquable prestation des musiciens permet fort heureusement de faire passer sans la moindre once de graisse un bonbon que l'on aurait pu craindre trop sucré et sans consistance.

Cela démarre fort : Doug Gray, accompagné par le piano de Paul Hornsby, semble vouloir nous infliger un " White Christmas " fort traditionnel de crooner (il a les cordes vocales pour !), mais l'entreprise dégénère très vite : ça swingue fort, dans un style plus proche d' " I know a little " que de Sinatra. L'ambiance se confirme pour la ballade " Christmas in Carolina ", signée et chantée par Chris Hicks, qui fait la part belle à un côté " grand orchestre " dominé par les vents. Pas de mièvrerie là non plus, le traitement incisif des vents rappelant certains titres de Wings de la grande époque, avec un sax soprano bien mis en évidence.
Le troisième titre amène au micro Gabrielle Gray Leopard, la fille de Doug, et bon sang ne ment pas : sur une rythmique feutrée, tout en douceur et swing tranquille, la donzelle nous entraîne imparablement dans un univers encore très jazz, peuplé de guitares acoustiques paresseuses. Moite… Doug Gray, qui a dû finir de manger ses hors d'oeuvre, revient quand même jouer, lui aussi, au crooner, pour de vrai cette fois-ci, dans un titre où une guitare saturée vient rompre le côté traditionnel de l'arrangement. Se renvoyant la balle avec un sax en liberté (Jerry Eubanks de retour), il démontre une nouvelle fois ses immenses capacités vocales, bien soutenu par une rythmique sans faille. Puis Clay Cook vient nous faire un petit coucou sur une brève version de " Let it snow ", bien swinguante elle aussi, mais qui n'apporte rien de plus qu'un clin d'œil sympathique, avant que Chris Hicks ne se fasse plaisir dans une version énergique, encore une fois très " grand orchestre ", de " Silent Night ", dominée par un sax lyrique. On perd en intimité ce qu'on gagne en vigueur. Chris Hicks s'est décidément beaucoup investi dans cet album, car il chante à nouveau le titre suivant " Snowfall in Georgia ", le titre le plus proche du répertoire habituel du groupe, une ballade rythmée soutenue cette fois par une flûte traversière familière.

Nouvelle surprise au titre suivant quand une voix gorgée de blues nous prend aux tripes, sur une fond de guitare acoustique et d'harmonica de hobo tenu par David Muse: B.B. Bordan s'est fendu d'une composition qui vire rapidement au swing-blues propre à vous faire taper la mesure malgré vous, et il la chante ! Pas si mal ma foi, même si sa voix a des accents éraillés de Keith Richards en goguette.

Effet de contraste : Doug Gray revient avec une version joyeuse et entraînante, mais fort classique du traditionnel " Jingle Bells ", avec clochettes de traîneau et tout le toutim… Vos enfants vont adorer. Pas sûr que vous en fassiez autant, mais bon, ça fait partie du jeu de l'album de Noël. Puis il s'engage dans le titre le plus poignant de tout l'album : " Merry Christmas Babe ", un blues lent déchirant de facture assez conventionnelle, mais superbement interprété. L'aspect joyeux voulu des paroles tranche avec le côté sombre de la musique. Noël n'est pas fête pour tout le monde, et, à l'heure d'ouvrir les cadeaux et de s'embrasser sous le gui, on est en droit de se demander de quel genre de paradis le narrateur interpelle son amour.
Chris Hicks (encore lui) et Doug Gray se renvoient ensuite la balle sur une agréable ballade acoustique signée George Mc Corckle. Puis l'album se clôt par un texte lu par Doug Gray sur un fond de piano électrique tenu par Steve Keeter, à la fin duquel Doug nous souhaite un joyeux Noël de la part de toute la famille du Marshall Tucker Band. C'est terminé, il est l'heure d'aller se coucher, les enfants…
Yves Philippot

 

1 - White Christmas
2 - Christmas In Carolina
3 - I'll Be Home For Christmas
4 - Have Yourself A Merry Little Christmas
5 - Let It Snow ! Let It Snow ! Let It Snow !
6 - Silent Night
7 - Snowfall In Georgia
8 - Christmas In Custody
9 - Jingle Bells
10 - Merry Christmas Baby
11 - Leave The Christmas Light On
12 - 'Twas The Night Before Christmas