Concert Acoustique Mardi 25 Mars 2003
Il faut imaginer Amsterdam, ses grandes avenues, ses trams, ses vélos
et ses canaux.
Une ville animée et sympathique. et le long du grand canal Amstel, le
Théatre Royal Carré.
C'est une salle classique, demi-circulaire comme l'Assemblée Nationale
à Paris, avec deux niveaux de balcons, et des ouvreuses et des ouvreurs
en livrées.un vestiaire et un bar à l'étage. Enfin c'est
un théatre classique en fait, rien de ce qui peut faire penser à
un concert de rock.
Evidemment la salle est pleine, complète jusqu'au dernier strapontin,
et cela depuis des mois. Il faut se rendre compte que Golden Earring à
Amsterdam, c'est leur ville, c'est chez eux, et pour les hollandais, c'est autant
un symbole que les moulins, les canaux et les polders. Golden Earring en Hollande,
c'est les All Blacks à Auckland ou l'OM sur la canebière. Bref,
tout cela pour dire qu'ils étaient en pays conquis, sûrs de leur
force et plus que bien accueillis. Pas de première partie, ils se suffisent
à eux-mêmes.
En plus de trente-cinq ans de carrière, ils ont suffisamment de matériel
en stock pour tenir les deux heures et demi de concert (!) à venir, sans
lâcher les rames et en montrant la bonne direction. Le public les attend
sagement assis -théatre classique oblige- et avec la patience flamande
requise en pareil cas. Vingt heures cinq sonnaient au clocher de la cathédrale
d'Amsterdam, quand les lumières s'éteignent, et que nos quatre
amis arrivent.
Ce qui frappe, c'est leur tranquillité, leur calme, leurs sourires, leur
détermination. César s'installe derrière les fûts,
Rinus prend sa contrebasse, George a déjà sa guitare acoustique
en bandoulière et Barry empoigne le micro.
Tout de suite ils commencent avec " Angel ", bien rythmé, juste
pour se mettre le public dans la poche, et ils enchaînent avec "
She flies on strange wings ", un morceau ancien qui était déjà
sur le fameux double-live de 1977. Les titres se suivent, naturellement, joués
parfaitement, sans folie, mais proprement.
Barry parle entre les morceaux, en hollandais principalement, mais aussi en
anglais ; il plaisante, il parle avec le public. Barry est un formidable vocaliste,
il joue de sa voix chaude et forte.
Sur la plupart des morceaux il accompagne George à la guitare acoustique,
et apporte de la profondeur aux morceaux. George, qui chante aussi sur plusieurs
morceaux, a une voix plus haute, qui complète parfaitement celle de Barry.
George est un excellent guitariste, créateur, inventif. Il n'a jamais
pris de leçon et a créé son propre style, inventif, sobre
et puissant. Il lance superbement l'introduction de " Mad Love's comin'
", et Barry enchaîne
" You want different positions. ". Magnifique, c'est le seul mot qui
convienne, magnifique et inventif.
Le public s'éclate, il n'y a pas d'autre mot. Rinus, assis tranquillement
sur la gauche de la scène, alterne la contrebasse et la basse acoustique.
Il dodeline de la tête, de la gauche vers la droite, et alternativement.
Il est dans la musique, dans sa musique à fond. Il a un jeu précis,
avec ou sans médiator, et il n'utilise pas sa basse à deux manches
qu'il réserve pour les concerts non-acoustiques. Le groupe se permet
de jouer des morceaux moins connus, comme " I need love " et "
Lost and Found ", mais les fans présents ne sont pas surpris, ils
s'attendent à tout. Ils remettent alors un nouveau coup de boost avec
une version bien rythmée de " Radar Love ", le morceau mythique
qu'on ne présente plus.
GOLDEN
EARRING AU THEATRE CARRE D'AMSTERDAM
Et
c'est la pause, la mi-temps. Ils nous font coucou et partent souffler un peu
en coulisses.
Les hollandais envahissent le bar et la Heineken coule à flots. Les visages
sont heureux, les gens sourient.
On discute avec tout le monde, on est bien. On est vraiment à un moment
sympathique, dans un lieu superbe,
et avec un grand groupe. On ne peut qu'être au top. Une petite demi-heure
de pause et le show reprend.
Barry a troqué sa chemise blanche contre une noire, et le groupe semble
plus compact, plus proche.
Il y a un net changement, du genre " On s'est bien amusé en première
mi-temps, là on va vous éclater ".
Ils allument tout de suite avec " Albino Moon ", du nouvel album "
Milbrook USA ", avec le guitar technician
à la mandoline, et deux morceaux des années 60 enchaînés
" I've just lost somebody " et
" Just a little bit of peace in my heart ", revisités à
la sauce des années 2000.
Les bonnes mélodies restent, les grands morceaux passent le cap des ans,
et on s'en rend compte sur scène.
On voit aussi que ce sont tous des grands musiciens, capables de jouer en acoustique
et prendre au ventre une
salle comble. César se met à s'éclater et lance son solo.
Il jongle avec ses sticks, trois puis quatre, tout en martelant les fûts.
Il rit, il s'éclate tout seul, il se lève, tape avec ses poings.
Il déjante complètement et se met à hurler en plein milieu
du solo : la salle est éclatée et est à ses pieds. C'est
une ovation méritée qu'il reçoit.
Et les autres reviennent, reprennent le pilonnage. Une séquence émotion
avec " Going to the Run " dédié à un ami de Barry,
et " Colourblind " du nouvel album dédicacé à
Herman Brood, la célèbre Rock Star qui s'est suicidée
il y a quelques années en se jetant du haut de l'hôtel Hilton à
quelques rues de là.
Barry et George reprennent les affaires en main, et annoncent " Twilight
Zone ".
C'est alors le déchaînement, plus personne n'est assis, tout le
monde est éclaté, et le superbe solo, soutenu et agressif, avec
une basse forte et puissante, termine de soulever l'enthousiasme. Le public
est à genoux,
le groupe en joue et est manifestement heureux. Barry empoigne son micro et
descend dans le public sur
" I can't sleep without you ". Il embrasse toutes les jolies filles
qui passent à sa portée, quand on est une rock star
il faut assumer ! Avec le rappel, ils auront joué une heure et demi dans
cette deuxième partie, et le public est aux anges. Ils disent au revoir
simplement, ils sont vidés, heureux, ils ont la satisfaction du travail
bien accompli.
Dans la salle, les spectateurs partent lentement, les yeux et les oreilles encore
emplis du spectacle, les sourires aux lèvres. L'arrêt au bar est
obligatoire, et manifestement les gens sont contents de rester, de discuter
autour
d'une bière. Ils ont passé un bon moment, et ils sont contents
d'en parler entre eux.
David ANDRE ( Photos et Texte )