Interview DON BARNES par John Molet

A la sortie du dernier album de 38 Special ( Drivetrain )
nous avions demandé une interview au célèbre leader guitariste Don Barnes , cela faisait donc plus d'un An et nous n'avions toujours pas la moindre réponse et pour être franc on pensait bien que ces questions s'étaient envolées a tout jamais et ne reviendraient jamais sur l'ordinateur de RTJ, alors qu'elle ne fut pas notre surprise lorsque’à l'ouverture traditionnelle des mails de la journée il était là,.... pas avec nous malheureusement, mais dans la boite aux lettres électronique, et oui Don Barnes nous avait répondu ... j'avoue avoir eu a ce moment un surplus de considération
( pourtant déjà très haute ) pour le Monsieur qui, nous précisa être énormément occupé "On the Road" ( voir 38 Special tour dates) et en + avoir eu un petit évènement familial, quand on sait que logiquement les musiciens de cette génération ont plus ou moins adhéré aux froides atmosphères d'internet et des ordinateurs on ne peut qu'être agréablement surpris par cette coopération sur un petit site internet français. Don Barnes nous livre ici ses pensées et ses constats avec une sincérité qui fait plaisir et qui, n'en doutons pas, fera plaisir a tous les fans de 38 Special,
il nous manque simplement une programmation en Europe, un seul passage en France en 1981
dont Mister Barnes se souvient encore !! , 25 ans après il n'est sûrement pas trop tard Don !!


Hello Don,

On est heureux d’avoir la chance de pouvoir poser quelques questions à l’un des plus fameux guitaristes de Southern Rock.

Don Barnes : Pas de problème John, on est actuellement au milieu d’une grande tournée aux
Etats-Unis mais en ce moment, mais j’ai un peu de temps devant moi avant que tout reprenne.

RTJ: Tu as remarqué que le nom de notre website -Road to Jacksonville- a été spécialement choisi parce qu’on apprécie beaucoup la musique qui vient de là-bas... et en fait on est plus fans que journalistes !

D B: Merci. Mais tu aurais du appeler le site « Road FROM Jacksonville » haha
(« La Route de Jacksonville » plutôt que « La Route vers Jacksonville »)

RTJ: C’est nous qui te remercions, nous allons enfin pouvoir donner des nouvelles fraîches aux fans français qui vous apprécient (sans compter les fans canadiens, suisses, allemands et autres…)

DB: Super ! Salut à tout le monde !

RTJ:. Tout d’abord, je voudrais te dire qu’on a vu Lynyrd Skynyrd lors de leur dernière date de leur tournée européenne à Paris (29 juin 2004), et tous les fans se disaient : « Pourquoi ne font-ils pas une tournée avec 38 Special, ce serait super !! »… Que penses-tu de cette idée ?

DB: Je suis sur que ce serait une bonne chose. On a des bonnes relations depuis longtemps avec Skynyrd. On a été directement et indirectement associés au fil des années. Le frère de Donnie, Ronnie, a été une influence majeure pour nous. Il était quelque part notre mentor et on s’est inspirés de sa vision des choses - ce style original et particulier, qui n’était la copie de rien d’autre, était la seule manière d’atteindre le succès. Je pense qu’un concert avec le nouveau Skynyrd montrerait beaucoup de choses nouvelles. Et parce que nous venons de la même ville, cela en montrerait les différents styles. Et en plus, çà serait vraiment du rock !

RTJ: Pendant une interview promotionnelle à Paris en avril, on a parlé à Johnny Van Zant de cette idée et il pensait (avec Vector Management) que c’était une idée intéressante… quand Skynyrd reviendra en France !!

DB: On verra bien si çà peut se faire. On est aussi chez Vector Management et on en avait parlé, mais nos emplois du temps ne correspondaient pas. Si on arrivait à programmer cela suffisamment longtemps en avance, ce serait une bonne chose.

RTJ: Je me souviens de la seule tournée de 38 Special en France… que j’ai ratée malheureusement, en 1981. Wow !! Ca fait tellement longtemps ! Vous n'aimez pas notre pays ?

DB: Si , on a passé un super moment à tourner en Europe… et je garde en souvenir les beaux paysages de la France. On a aimé les vignes et les petits villages. Mais on a surtout apprécié le vin. Et les fans ont été très réceptifs à notre musique, donc on espère vraiment revenir vous voir très bientôt.

RTJ: Je suis un grand fan de 38 et j’ai tous vos lps, cds, vidéos et encore bien plus. J’aimerais te parler de l’évolution du groupe. Quelles sont selon toi les différences principales entre le 38 Special des années 70 et 80, et celui d’aujourd’hui ? Avez-vous une approche musicale différente ?

DB: Et bien, effectivement je dois dire que l’approche est différente. C’est toujours le cas quand un groupe commence et signe son premier disque, il y a une tendance à en faire trop en studio. Cela vient du fait que les groupes ont tellement de mal à se faire accepter, à exister, à se faire remarquer dans le monde de la musique qu' ils ont tendance après à en faire trop. C’est les démons qu’on a tous au fond de nous. Et après tellement d’années de vaches maigres, ils peuvent après rencontrer le succès. Ensuite ils ont tendance à vouloir beaucoup se prouver leurs capacités à eux-mêmes. La peur de revenir en arrière aux années difficiles interfère avec l’écriture de bons morceaux ainsi, quand le groupe a progressé, on a commencé à prendre plus de risques et laisser les choses arriver naturellement plutôt que de les forcer. C’est la clé pour continuer à créer et développer des morceaux dans un style plus ‘risqué’. Cela capture l’intention originale et cela se reflète sur le disque après.
Maintenant on est vraiment un groupe plus soudé, on comprend vraiment la puissance du ‘groove’ et on est soudés les uns aux autres sur scène. C’est important de comprendre les temps morts entre les rythmes… cela créer un impact sur le public de pouvoir détacher aussi bien chaque note. Avec le temps, on a appris aussi à accepter le flot d’adrénaline sans le laisser nous pousser à faire n’importe quoi, on le canalise mieux maintenant. Cela s’est développé aussi dans notre manière d’écrire et d’enregistrer en studio aussi,je pense qu’on est aussi devenus de meilleurs compositeurs et musiciens de studios. On a notre propre studio maintenant et travailler avec Danny Chauncey à la production a été une chose vraiment positive, c’est un grand écrivain/producteur et il semble toujours offrir un petit plus à tout ce que Donnie ou moi n’avions pas pensé avant. Notre nouvel album, Drivetrain, est un bon exemple d’une bonne collaboration et d’un réel partenariat entre producteur et créateurs de morceaux. On prend beaucoup plus de risques maintenant.
Donnie Van Zant a développé un sens aigu de sa manière d’écrire les morceaux et sa performance en studio l’a reflété. Il a aussi écrit des morceaux dans des styles différents. Son frère Johnny et lui ont un album country dans les charts ici et il marche vraiment bien. Ils s’appellent ‘Van Zant’ et le cd ‘Get Right With The Man’. Tu vois, dans un sens on a tous gagné un nouveau public. C’est vrai que la Country Music a lentement évolué pour devenir du Southern Rock et on peut voir qu’il y a de plus en plus de fans de Country à nos concerts tous les soirs. Et les autres musiciens du groupe -Larry Junstrom, Gary Moffatt et Bobby Capps- sont des vrais combattants et créent une section rythmique implacable qui me scotche tous les soirs.
Mais, je vais te dire, John… la meilleure chose dans ce groupe après tout, c’est qu’on passe vraiment du bon temps entre nous,on est passé par beaucoup de choses, et cela nous a rendus plus fort pour qu’on soit reconnus. On est vraiment des amis,on se regarde et on se voit sur scène chaque soir, chacun faisant du mieux qu’il le peut à chaque concert, personne ne simule. Il y a une intensité qui nous mène à devenir vraiment des frères de la route. Nos tournées ont vraiment du succès et on est fiers d’être toujours là avec toujours autant de pêche, et pour nous c’est un compliment d’être appelés un groupe de ‘Classic Rock’ ou de référence. Notre but original était de pouvoir durer et d’avoir une vraie carrière, alors, à la lumière de toutes les bonnes choses qui nous arrivent aujourd’hui, on reste positifs pour le futur et pour la musique qu’on va pouvoir amener
à nos fans.

RTJ: En parlant de Donnie, comment vont ses blessures ? Est-il gêné pour jouer sur scène ?

DB: Les blessures de Donnie sont dues à l’accumulation des allers et retours sur scène depuis des années, des sauts depuis la scène pour aller dans le public. C’est le genre de type qui a toujours tout donné à chaque concert, alors en fait ses blessures ont commencé il y a longtemps. On va peut-être l’accrocher à des câbles pour qu’il puisse survoler la scène et laisse reposer ses jambes !!. On a un soigneur qui lui fait des applications de glace sur les genoux, comme les footballeurs, chaque soir, et on a un baril de glace au pied de la scène dans laquelle il se glisse pour réduire ses souffrances. Il a déjà été opéré des tendons des deux genoux, et il a du faire de la rééducation pour pouvoir revenir sur scène. C’est une chose qu'il a traîné depuis trop longtemps et dont il aurait du prendre soin plus tôt. Mais Donnie est encore meilleur que jamais en ce moment et il s’éclate chaque soir sur scène.

RTJ: Es-tu resté en contact avec les anciens membres du groupe tout au long de ces années ?

DB: Et bien, çà fait longtemps en fait qu'on n’est plus vraiment en contact. 38 Special est tout le temps en tournée ou en train d’enregistrer et je sais qu’ils ont aussi beaucoup de choses à faire aussi. Mais ce groupe a été fondé sur une notion de ‘fraternité’, on a beaucoup souffert ensemble et fait notre maximum pour arriver à faire quelque chose dans ce monde, donc on a gardé beaucoup de souvenirs avec tous ces types, et ils peuvent être fiers qu’on soit toujours là chaque soir, à garder vivant le nom de 38 Special et à conserver l’esprit et l’âme du groupe vivants après tant d’années.
Quant aux deux batteurs que l’on a eus, Jack Grondin est devenu missionnaire évangéliste maintenant, il parcourt le monde, sa femme et lui ont été missionnaires à Haïti et en Inde et là ils vont au Pakistan, Il est apparu sur un réseau chrétien mondial plusieurs fois et a apporté son témoignage. La chose amusante est que Jack était le plus fou, le plus sauvage dans notre groupe ! malgré tout j’ai toujours pensé qu’il cherchait une signification à sa vie. De nos jours, il collabore à la construction d’orphelinats et de centres pour la jeunesse, et il apporte de l’aide médicale pour les gens là-bas, Je lui ai dit qu’il faisait vraiment un meilleur boulot que nous, Il donne tant de lui-même et de sa foi pour éduquer les enfants qu'on est vraiment fiers de voir qu’il est heureux et qu’il répand tant de joie autour de lui, et aussi de voir qu’il a trouvé sa voie.
Steve Brookins est aussi resté un bon ami au fil des années, je viens d'ailleurs juste de lui parler la nuit dernière. Il est resté dans le business des tournées et il a investi son temps et son argent dans la partie transport, Il voudrait avoir sa propre flotte de bus et de camions à louer. On a fait un bon bout de chemin ensemble, on voit Steve de temps en temps quand nos chemins se croisent sur la route. C’est un homme bien et un bon ami.
Et j’ai entendu dire que Jeff Carlisi a été impliqué dans plusieurs projets dernièrement, il joue dans un Tribute Band ( Deep South ) avec d’autres musiciens qui jouent les hits de leurs groupes d’origine, il fabrique aussi des guitares personnalisées pour NASCAR. , actuellement, il est dans un camp d’été pour des ados ,un genre de Rock Camp où des musiciens professionnels passent une semaine avec eux et forment un groupe avec les ados. Jeff est très talentueux et on lui souhaite le meilleur dans tout ce qu’il fait dans sa vie. Il le mérite certainement.

RTJ : Considères-tu 38 Special comme un Southern Rock group ? et as-tu une définition de ce qu’est réellement le Southern Rock ?

DB : 38 Special véhicule réellement l’esprit de ce que tous les groupes de rock sudistes possèdent, c’est une attitude de combattant qui vient de ce qu’on appelle le « Underdog » - c’est un terme utilisé ici aux USA qui signifie « celui qui a le moins de chance dans la vie ». Et crois-moi, le business de la musique a toujours été une compétition. On vient d’une région du pays qui ne correspond pas du tout à l’image de la Rock Star d’Hollywood, donc on a tous travaillé très dur pour être reconnus. Cette attitude « Underdog »a insufflé un mental de combattants pour tous les groupes qui viennent du Sud, et çà se ressent dans la musique elle-même. La difficulté de l’approche de la guitare et l’attitude par laquelle elle est présentée montre la difficulté qu’on a eu à y arriver. Je dirais que c’est là qu’est la vraie définition du Southern Rock. Mais on a toujours pensé qu’on faisait parti d’une catégorie ouverte… c’est à dire qu’on n’a jamais été catalogués dans un seul style de musique, on est un groupe de rock américain qui joue fort, des morceaux superbes avec toute une gamme d’émotions, et j’aimerais nous limiter en disant qu’on n’est qu’un Southern Rock band. On est simplement des compositeurs et des musiciens qui viennent du Sud.

RTJ: Tu es l’un des plus célèbres guitaristes de rock sudiste, quand as-tu appris à jouer de la guitare ?

DB : Mon père dirigeait les chants dans une église baptiste quand j’étais jeune, je pense que mes premières influences se retrouvent dans les chants religieux et qu’ils m’ont marqués. Il y a beaucoup de soul dans la musique d’église et j’ai eu la chance d’y avoir baigné dès mes plus jeunes années, j’ai pris des leçons de piano et on m’a appris les bases -les harmonies et les contrepoints. Puis mon frère aîné, Jim, a reçu une guitare acoustique pour Noël et çà m’a marqué, il m’a apprit les premiers accords et je passais mon temps à lui prendre sa guitare et à m’amuser avec, je pense que je devais avoir douze ans a cette époque. Plus tard, j’ai découvert que j’étais capable de transposer ce que j’avais appris au piano sur la guitare et j’ai découvert comment les sons sonnaient différemment sur une guitare. Quand mon frère a abandonné sa vieille guitare acoustique pour une guitare électrique avec un ampli, çà a été pareil ! Il fallait que j’en joue aussi ! Tous les hits explosaient à la radio et j’étais captivé par les Beatles et toute l’invasion du rock anglais, c’était une rébellion jeune et c’était le fun. J’ai été intoxiqué et j’avais juste le bon âge pour absorber cette invasion. Tous les kids de mon âge en Amérique voulaient créer de la musique avec des potes qui avaient une basse ou une batterie. C’était une sorte de révolution de jeunes qui s’est développée comme une tornade.

RTJ : Quelles ont été tes influences principales ?

DB : Ca va être difficile de toutes les citer. J’ai écouté tous les grands… Ray Charles, Elvis, Little Richard, Jimmy Reed, les Beatles, le Spencer Davis Group, les Animals, les Rascals, les Yardbirds, les Stones, les Ventures, la Motown, Otis Redding, toute la Soul Music, Aretha, etc… J’étais comme une éponge, j’absorbais tout.
Puis j’ai découvert les premiers ‘Guitar-Heroes’ avec Clapton, Hendrix, Page, Leslie West, Billy Gibbons, Ritchie Blackmore et tant d’autres. J’ai essayé d’imiter leurs styles comme n’importe quel jeune garçon aurait fait, pour moi, ils savaient juste faire ‘parler’ leurs guitares. J’ai commencé à réaliser que les riffs de rock et les parties de guitare représentaient la personnalité de chaque morceau et cette personnalité était un outil pour donner un caractère à chaque morceau. Mick Ralphs de Bad Company était devenu un maître pour arranger les morceaux -pas tellement les solos, mais les parties de guitare qui portaient les morceaux et les font vivre par eux-mêmes.
Mais le guitariste solo le plus important à cette époque était Clapton, Il avait cette fluidité dans son toucher, j’avais des posters de lui sur tous mes murs. J’ai essayé de trouver les mêmes guitares que les siennes… pour récupérer le même son résonnant. J’essayer de ralentir les disques pour pouvoir décomposer ses parties de guitare et çà marchait plutôt bien,c’est la seule forme « d’apprentissage » que j’ai eue. J’aimais aussi les joueurs ‘piquants’ comme Leslie West de Mountain et Billy Gibbons de ZZ Top. Par voie de conséquence, si je joue sur une Les Paul Jr. aujourd’hui c'est parce que j’avais vu Leslie West jouer avec quand j’étais jeune, J’étais à l’affût du son énorme qu’il sortait de sa petite guitare, c’était juste un petit morceau de bois qui donnait le son que j’aime. Les deux Jrs sur lesquelles je joue aujourd’hui ont l’air un peu fatiguées mais elles sonnent toujours super bien, c’est tout ce qui m’importe en fait.
J’ai aussi été grandement influencé par les types de mon voisinage qui allaient devenir des géants de la musique -et qui habitaient à deux rues de chez moi- les types de Skynyrd. On se voyait tous les week-ends dans des clubs de jeunes, Ils étaient un peu plus vieux que moi et ils étaient nos modèles, en y repensant, aucun d’entre eux n’a jamais pensé faire une carrière dans la musique, c’était plus une activité qui leur donnait du fun, mais quelque part, je pense qu’ils savaient qu’ils avaient une destinée. J’étais à l’école avec la plupart d’entre eux, j’allais en bicyclette jusqu’à la maison d’Allen Collins pour écouter les derniers disques de rock importés d’Angleterre sur lesquels il jouait parfois. Il y avait toujours des changements musicaux qu’il appréciait,ça m’a appris à écouter de plus près les arrangements dans les morceaux,il m’a aussi montré quelques trucs de blues qu’il avait appris. Il était toujours passionné par son avenir avec son groupe et il a vraiment été une énorme inspiration pour moi.
Le solo de ‘Freebird’ est un des plus beaux fait par Allen, un vrai diamant. Chaque fois que je l’entends je pense à lui quand il le jouait. Il nous a quittés bien trop tôt, mais je me souviendrai toujours de cette contribution historique qu’il a apportée, et de son talent de compositeur. Au fur et à mesure des années, çà a été de plus en plus les groupes les plus sauvages et furieux qui ont retenu mon attention -Cream, Zeppelin, Mountain, Hendrix, Bad Company… J’aimais beaucoup la voix de Paul Rodgers et le son lyrique de la guitare de Mick Ralphs… ZZ Top pour leur blues lancinant du Texas… et bien sur Skynyrd, avec leur attaque à trois guitares. Juste les groupes de rock qui ont apporté le vrai feu et l’agression…. Tous ceux qui explosaient leurs guitares ou jouaient dans ce style.
Et j’aimais les chanteurs de soul -Aretha, Ray Charles, Paul Rodgers, Otis Redding, Steve Winwood, Greg Allman, Ronnie Van Zant- j’ai joué dans tellement de groupes de covers comme l’ont fait tous les kids qui commençaient. Quand j’ai commencé à trouver mon propre style de chant, j’ai réalisé que j’avais été involontairement influencé par d’autres chanteurs de rock quand j’étais plus petit -Elvis, Little Richard, Dusty Springfield, Felix Cavaliere, Leslie Gore, Brenda Lee- la liste est sans fin. Je chantais sur leurs disques et j’essayais de singer leurs attitudes, c’est tout un état d’esprit que j’ai assimilé pendant de longues années.

RTJ : Qu’est ce qui t’a influencé pour aller dans une direction plus hard avec un son plus fort sur Drivetrain ?

DB : On voulait garder le côté musculaire de 38 parce que c’est ce qui nous a toujours touché. On a enregistré des disques plus softs auparavant et je ressentais qu’on était en train de perdre la pêche et la furie qui avaient été les nôtres depuis le début. Parfois un groupe peut être contraint de faire un ‘pop hit’ par sa maison de disques et peut alors perdre son image. On a exploré toutes les voies dans notre manière d’écrire les morceaux et on s’est aperçus qu’on revenait toujours à notre manière d’aborder les concerts. L’attitude, l’explosivité dont on faisait preuve pendant 90 minutes sur scène était ce que nous voulions capturer en studio. Cela peut être dur parfois à y parvenir. En studio, il faut faire attention à ne pas se laisser capturer par les progrès techniques de l’enregistrement, L’enregistrement digital peut être réducteur. Si tu ne fais pas attention, les enregistrements peuvent avoir un côté clinique, trop propre et donc, c’est vraiment un état d’esprit qu’il faut essayer de capturer. On a toujours été fans des morceaux avec des gros sons de guitares explosives et on voulait montrer que, en dépit des années, on a toujours cette force.

RTJ : J’ai lu que le groupe a écrit 30 morceaux pour le nouvel album "Drivetrain" et a laissé de côté les plus ‘légers’. Penses-tu que certains de ces morceaux pourraient apparaître sur un prochain album ou avez-vous prévu de poursuivre dans la même voie avec un gros son pour un moment ?

DB : C’est dur de dire ce qui va arriver à ces autres morceaux. Tom Soares, le designer de notre website et moi avons parlé pour créer une section ‘From the Vault’ sur le site. Ces morceaux sont bien écrits mais ont une approche plus légère, alors que peut-être qu'on pourra les entendre sur le site… ou peut-être bénéficieront-ils à l’enregistrement d’un autre artiste. Ce qui se passe avec l’écriture de morceaux c’est qu’il y a toujours des idées amusantes et des chutes qui ne voient jamais le jour. C’est un exercice créatif qu’on a toujours fait tout au long de notre carrière, c’est comme un peintre qui essaie plusieurs versions du tableau qu’il veut créer avant d’en choisir une qu’il peut présenter au monde entier. Tout au long des années, on a écrit des milliers de morceaux et on en a peut-être sorti que quelques centaines.

RTJ. Quels morceaux préfères-tu sur le nouvel album ?

DB : Plusieurs morceaux du cd ont été mes favoris quand on les a enregistrés. Il m’ont toujours donné une certaine joie quand on a commencé à travailler dessus. « Hurts Like Love » m’a donné ce genre de plaisir. « Bad Looks Good On You » a été amusant à jouer, c’était juste un groove brutal de blues sur lequel on a jammé, beaucoup de guitaristes m’ont dit qu’ils apprécient de jouer ce morceau.
L’un de mes préférés est « Make Some Sense Of It », ce titre me semble joyeux. J’aime aussi le rythme fort derrière le morceau. « The Play » , vraiment différent mais a représenté un beau challenge à mettre en place. « Haley’s Got A Harley », on a eu du bon temps à le mettre au point. On a essayé de voir à quel point on pouvait rendre un morceau lourd et épais, et Donnie s’est servi de cette attitude, mais je dois reconnaître que ce sont tous mes préférés, c’est pour cela qu’on les a choisis pour les mettre sur l’album.

RTJ : Peux-tu nous décrire brièvement les relations entre Jim Peterik et le groupe ?

DB :Jim est un compositeur et un bon ami, il est tellement inspiré. Il aime suivre une bonne idée et la suivra jusqu’au bout, comme il dit. On a passé du bon temps à composer les titres, partager un ou deux verres et à avoir des bonnes tranches de rigolade, qu’est ce que tu veux demander de plus à ce qui est supposé être un travail ? J’ai appris tellement sur la passion de composer en étant avec Jim, il partage tout. De plus, c’est un bon père de famille et un très bon ami, bon maintenant que j’ai dit plein de bonnes choses sur lui j’espère qu’il va bientôt m’envoyer un chèque.!!!

RTJ : Ecoutes-tu des nouveaux groupes actuels ?

DB : Oui, un peu. J’aime les 3 Doors pour l’approche agressive de leurs guitares et le fait qu’ils arrivent à garder de la force dans les mélodies, ce qui est rare de nos jours pour les groupes de rock. A mon avis, l’instinct musical manque dans beaucoup de nouveaux groupes et dans leur approche. J’aime les Killers… Audioslave… The New Pornographers ont quelques accroches musicales intelligentes, Maroon’s 5 ont des bons morceaux aussi, Gavin DeGraw a un bon sens du rythme et une voix, je pense que Blink 182 a une certaine alchimie et une bonne dose d’humour, quelques autres -Nickelback est vraiment bon avec ses chorus en mineur et en majeur. J’aime aussi le nouveau Green Day, le John Mayer Trio est bon aussi, avec une guitare bluesy cool, c’est un guitariste incroyable. Il y a des jeunes qui ont tellement de cds auxquels on est confrontés tous les jours. Je commence maintenant à apprécier Primus et leur approche éclectique. On a la télé et le satellite dans le bus en tournée et on découvre constamment ce qui vient de sortir, mais c’est toujours les grosses jams de blues qu’on lance quand on se prépare à monter sur scène. Il y a toujours un fond de tempo de blues qui nous fait commencer à jouer.

RTJ: Ta biographie sur le site internet décrit « Jam On » comme un morceau politique inspiré d’une photo de Bono de U2 en couverture de Time Magazine. As-tu des commentaires à faire sur le climat politique actuel aux USA ?

DB :Et bien, le morceau représente bien notre position. J’ai lu l’article de Time Magazine comment Bono essayait de trouver une solution pacifique par la puissance de la musique. Basiquement, on dit que c’est un monde difficile et que personne n’a toutes les réponses, mais si tu penses que la musique peut faire la différence quelque part, on est derrière toi. Et il y a l’espoir apporté par les derniers concerts du Live 8 dans les quartiers et les ghettos pauvres du monde entier, aussi.
Pour ce qui concerne le climat politique aux USA, je pense qu’on voit les divisions dans notre pays entre les différents citoyens, et c’est triste, trop de haine et de fausse rhétorique entre les différentes parties, et cela amène une difficulté à bien comprendre ce qui se passe. On doit rester unis, faire face aux problèmes ensemble. Le pays est le plus divisé depuis les années 60, avec tant d’animosité entre nous ici, les questions politiques passent au second plan.

RTJ :Je pense que l’éventualité de votre venue en France sera basée sur les ventes qui seront faites, mais ne penses-tu pas que tout est bloqué de nos jours à cause d’Internet et de tout ce piratage d’albums ?

DB :C’est dur à dire, John. J’avais l’habitude de penser que si quelqu’un téléchargeait un de nos morceaux parce qu’il l’appréciait, il allait devenir un fan et qu’on avait réussi à rallier quelqu’un à notre cause, et qui aurait par la suite acheté nos albums. Et depuis il existe plusieurs compilations et anthologies disponibles et en vente sur différents sites, cela aurait été facile d’obtenir tous les morceaux. Je pensais qu’Internet était une manière pour nos fans de découvrir notre musique et pour nous de créer une base importante de fans.
J’émets des réserves sur le fait que tous nos titres sont disponibles sur les sites de partage, bien que je pense que ce n’est plus le cas maintenant. Je pense que les nouveaux sites qui offrent des singles pour un prix modeste représentent l’avantage de la vente on-line, c’est juste pour les compositeurs eux-mêmes aussi. Les artistes ne sont jamais avantagés par les contrats signés par les maisons de disques de toutes manières, donc ils doivent ne compter que sur leur travail. On doit tous se préparer pour le futur.
Il y a aussi le problème des employés des compagnies de disques qui sont de moins en moins nombreux à cause du manque à gagner du au piratage, leurs salaires ne pouvant plus être payés. Ce n’est pas bon pour le business de la musique et c’est de plus en plus apparent. Les dirigeants de ces compagnies de disques comptent sur eux, mais ce ne sont pas eux qui profitent du système, ces gens ont des familles et ne sont que les employés de ces sociétés. Donc, je pense que cette histoire de partage des données sur Internet, c’est un problème à deux niveaux. Si le morceau est offert comme bonus et en partie sur Internet, pour pouvoir acheter par la suite le morceau complet, ce serait une bonne solution au problème. Mais c’est trop tard maintenant, il faut tenir compte du fait que maintenant les gens peuvent échanger des morceaux sur Internet, et cela ne va plus s’arrêter, les sites d’échanges de données sont les marchands de disques du futur, il va falloir apprendre à utiliser ce nouveau type de média. Mais ceux qui mettent les morceaux en ligne peuvent aussi être blâmés. La qualité de la musique elle-même a décliné au fil des années, les fans peuvent aimer un seul morceau et n’acheter que celui-là sans acheter tous les albums. Dans les dix prochaines années, je pense que les artistes sortiront des singles tous les trois mois sur des sites de vente sur Internet , ça veut dire que les cds complets comme les sortent actuellement les artistes n’existeront probablement plus, il n’existera plus que des cds de compilation de singles de différents groupes.

RTJ : Il semble qu’il est maintenant très difficile pour les groupes de Classic Rock d’avoir leurs morceaux joués sur les radios. Que penses-tu des radios commerciales actuelles ?

DB :La plupart des radios du Top 40 sont tellement douce et corporatiste de nos jours que leur accès est définitivement fermé à beaucoup d’artistes, environ 4000 cds sont réalisés chaque mois, des petits labels indépendants aux grosses compagnies de disques, il n’y a que 24 heures par jour pour les radios et tout le monde essaie d’avoir 3 minutes et demie pour faire jouer son morceau, donc forcément çà crée des problèmes, sans parler du fait qu’il faut laisser du temps pour la publicité -l’oxygène des radios- qui prend de plus en plus de temps chaque jour. Puis après tu as la merde de la guimauve pour les ados qui est imposée par les grosses machines de promotion… et leurs singles sont joués plusieurs fois par jour, donc çà réduit d’autant l’espace disponible, donc maintenant c’est les radios du Top 40, et à mon avis, American Idol devrait arrêter de diluer en plus le marché avec les concours pour les groupes amateurs qui ont des albums à vendre, ils n’écrivent même pas leurs morceaux, ils ne jouent pas d’instruments, et ils ne sont les ‘idoles’ de personne, pour moi, ils sonnent tous pareils comme s’ils avaient été fabriqués dans le même moule avec le même package.
De toutes manières, on se rend compte après 25 ans que les seules portes qui restent ouvertes pour nous sont sur les radios de rock, même pas sur les radios de ‘classic-rock’. Ces stations de ‘classic-rock’ n’ont le droit de diffuser que les morceaux historiques des artistes de ‘classic-rock’, mais pas leurs nouveaux albums. Et on a de la chance qu’ils diffusent toujours nos vieux morceaux, enfin, on a eu des émissions sympas sur New Rock Radio récemment et on va retourner sur la route pour conquérir un nouveau public avec Drivetrain.
Mais la chose la plus importante John, c'est qu’après autant d’années et après avoir vendu des millions d’albums, on a toujours du fun en faisant ce job, et ça c’est le plus important. Les radios c’est devenu un truc compliqué, c’est triste de voir autant d’excellents artistes ne pas avoir l’exposition médiatique qu’ils méritent. J’aimerais dire bonne chance à tous ceux qui essaient encore de jouer le jeu de nos jours.
Il y a un vieux proverbe sur ce métier, ‘Tu es célèbre que par ce qu’en dit le public’… çà veut dire qu’un type pourrait faire toute une série de morceaux les plus fantastiques jamais enregistrés, s’il n’a pas une équipe pour promouvoir son boulot et crier son nom dans les rues, personne ne saura jamais ce qu’il a fait. D’ailleurs, c’est pour cela que je pense qu’on peut considérer qu’on a eu de la chance d’avoir réussi à exister jusque là, il y a beaucoup de demande pour 38 Special de nos jours et les demandes pour nos concerts sont en pleine expansion, on est devenu une sorte de ‘label’ que les gens veulent avoir vu. On est allés dans plus de cent villes chaque année pour y présenter un show spectaculaire, de plus, on est une bonne équipe de types qui partagent un respect mutuel les uns pour les autres. On rit tout le temps ensemble et on fait bouger les foules chaque soir, quelle meilleure vie pourrait-on demander ?

RTJ: .38 Special est présent depuis plus de 25 ans maintenant. As-tu des commentaires à faire sur la longévité du groupe et ce que vous allez faire dans le futur ?

DB : On dit que la clé pour la longévité est de savoir que c’est un voyage et que ce n’est pas une fin. On a eu plusieurs succès, plusieurs échecs, des changements sur notre chemin, mais on est toujours restés positifs. Notre intention originale était de nous créer un style de vie, avec des buts réalistes, et le fait qu’on ait réussi à réaliser tellement plus est une sorte de confirmation de nos convictions. On est un groupe de voisins qui est passé au travers des années difficiles parce qu’on avait la conviction qu’on avait quelque chose de spécial en nous, maintenant, après tant d’années, quand on se regarde quand on joue sur scène, on sait qu’on a eu beaucoup de chance que les fans soient toujours aussi enthousiasmés par notre musique. C’est une célébration de l’amitié et de la camaraderie qu’on a partagées depuis plusieurs années, et on veut que le public participe à la fête et continue avec le même état d’esprit dans le futur. C’est vraiment le meilleur boulot du monde d’aller et de rendre les gens heureux chaque soir. Les morceaux qu’on a écrits sont devenus des classiques et nous ont permis, à nous et à nos familles d’avoir une bonne vie, on est profondément reconnaissants aux fans de partout d’être restés avec nous. Ils apprécient aussi nos nouveaux morceaux parce qu’ils nous ont vus grandir, quand je regarde notre carrière en général je considère qu’on a été bénis et chanceux d’avoir réussi à sortir ces 15 superbes morceaux qui a propulsé ce groupe vers l’avenir. Le plus important quand on parle d’avoir une base de fans est qu’il existe de nombreuses personnes partout qui aiment toujours le groupe et qui ont grandi avec lui, et avec la résurgence actuelle de la musique des années 80 et du classic-rock, on est devenu un groupe majeur en Amérique. Alors que les radios sont devenus des fatras inaudibles de trop nombreux albums à promouvoir, nous on est plus heureux que jamais, on est toujours très demandés par les promoteurs de tournées et c’est grâce de ce qu’on est capables d’offrir chaque soir. Ces groupes nouveaux qui ont juste un titre ou deux auront du mal à jouer dans cent villes par an pendant 25 ans, donc je pense qu’on a réussi à faire l’impossible. On a appris que dans ce métier tu peux être sous les feux de l’actualité pendant un moment, mais qu’après les médias s’intéresseront à quelqu’un d’autre parce que c’est son tour. Donc, il vaut mieux que tu aies alors prévu quelque chose pour le futur, tous les groupes de classic-rock qui continuent à faire des tournées et à bien se porter, ont réussi parce qu’ils avaient construit quelque chose pour leurs futurs. On a une vraie éthique de travail et on aime ce qu’on fait, avec nous, c’est une approche simple - être droits, créer des bons morceaux et faire ressentir aux gens un plaisir qu’ils ne peuvent oublier après. C’est ce qui nous a fait fonctionner pendant toutes ces années.

RTJ : As-tu quelque chose de plus à ajouter, particulièrement à propos de Drivetrain ?

DB: Drivetrain est différent pour une raison. Changer n’est pas toujours agréable pour certaines personnes, mais, en tant qu’artistes, nous voulons ce changement parce ce que c’est çà qui nous intéresse.
Alors, écoute sans a priori. C’est un album ardent. C’est là où nous sommes maintenant. Il est CHAUD !

Et par rapport à l’histoire du groupe… Il faut que je te dise, John, notre histoire est une histoire de persévérance et d’attachement, et tous ceux qui peuvent voir nos concerts peuvent constater qu’on a travaillé dur pour y arriver. Quand on arrêtera, c’est qu’on aura accompli tout ce qu’on voulait faire. Mais je ne vois pas ce moment arriver prochainement.

RTJ : OK, merci beaucoup Don. Je veux que tu saches que ce serait un rêve de pouvoir vous voir un jour en concert en France

Merci et keep on rockin’ Don.

John Molet pour « Road to Jacksonville »