Bruno BAGES : N'est ce pas difficile d'être un groupe de rock sudiste en Californie ?

Gary Jeffries : C'est effectivement assez dur à Los Angeles, cette musique n'étant plus très à la mode, ni très porteuse. Mais avec tous les groupes qui changent en fonction de la mode, avec des clubs ou 4 à 5 groupes passent et jouent en une soirée et beaucoup de clubs, un bon groupe de rock sudiste arrive à s'en sortir. Il y a suffisamment de monde à Los Angeles pour remplir un club de fans. Nous avons, dans certains endroits de Californie, énormément de fans. Beaucoup de jeunes aiment coiffer un chapeau de cow-boy et s'éclater. On se marre bien et on ne se prend pas trop au sérieux, ce que pas mal de gens ont tendance à faire. Les gens ne savent pas au premier abord quoi penser en nous voyant, 5 rednecks américains aux cheveux longs. Après 10 minutes, tout s'arrange et on leur donne ce qu'ils veulent. On pourrait jouer avec des groupes style Limp Biscuit. Nos morceaux sont aussi fous et rebelles, avec une autre approche, que ce que ces mecs font.

B B : Pourquoi avez-vous signé avec un label allemand ? ( N D L R : depuis l'interview Halycon records aurait arrêté ses activités )

G J : Nous avons un label en Allemagne tout simplement parce qu'ils croient en cette musique. Ils croient en la bonne musique, qui que tu sois. Je crois qu Halycon comprend qu'il peut y avoir un public avide de classic rock mais qui écoute aussi les nouveaux groupes qui font ce genre de musique. C'est sympa d'entendre Freebird à la radio, mais ne serait-ce pas sympa d'y entendre de nouveaux groupes jouant la même musique ? C'est ce qu'essaye de faire Halycon (merci Volker !). Aux USA, on ne s'intéresse qu'aux tendances. Ils signent des dizaines de groupes, les font bosser tant que ça rapporte. Dès que les recettes chutent, ils les jettent. Comme ils n'ont pas investi des sommes colossales sur ces groupes, les larguer ne leur coûte pas trop cher ! Internet a permis de mettre sur le devant de la scène beaucoup de groupes. Halycon a très bien compris le genre de groupe que l'on était.

B B : Sur cet album, tu sembles avoir été inspiré par la Louisiane....

G J : J'ai vécu plusieurs années en Louisiane et dans les bayous. J'adore cet endroit, il y a toujours un air de fête. Ils ont une superbe scène blues, de très grands musiciens que malheureusement peu de gens peuvent entendre. J'ai vraiment eu de la chance d'avoir eu l'opportunité de pouvoir m'en inspirer. Ils font de la musique tout simplement parce qu'ils aiment ça, pas pour le pognon. Quels fabuleux joueurs de slide, ils se mettent sous un porche et jouent, tout simplement, des mecs bourrés qui en ont vraiment bavé dans leur vie. Ils savent ce que le blues veut dire. Toute leur souffrance ressurgit dans leur musique. La Louisiane est peut être un état pauvre, mais les gens sont fiers et marchent la tête haute.

B B : Peux-tu nous parler des sujets abordés dans tes textes ?

G J : La plupart de nos textes parlent de choses qui nous sont arrivées dans nos vies perspectives. Par exemple, "Voodoo Spell" raconte un peu la vie de mon père. Sa mère est décédée dans un incendie alors qu'il n'avait que 5 ans, il n'a jamais connu son père. Il a été élevé par un trafiquant d'alcool du nom de Franky à Elisabeth Town (Kentucky). Minnie Carol était leur institutrice à l'école primaire. Franky a lâché mon père et son frère dans un bled, leur a donné 10 dollars, et leur a dit "A la prochaine"... " Rose Thorn Bed" est venue lorsque ma femme me reprochait de passer trop de temps sur la route et elle disait qu'elle aurait mieux fait de se marier avec un avocat. Ma réaction est la suivante : c'est peut-être plus sympa d'être marié à un avocat plein de pognon, mais il peut aussi s'offrir plus de maîtresses.

B B : Dans quels état Alligator Stew est-il le plus populaire ?

G J : Dans le midwest, on est appréciés dans des états comme l' Indiana, l' Ohio, l' Illinois, le Kentucky et le Michigan. Ils diffusent autant d'Alligator Stew que de Lynyrd Skynyrd ou de Korn. On n'a pas trop de problèmes à trouver des dates dans cette région."Les classes moyennes et prolétaires" nous adorent. Ils aiment les choses vraies, pas la m... habituelle. Ils se foutent des modes, ils n'aiment que la vraie musique véhiculant des vraies valeurs. Le southern rock a l'air de revenir sur le devant de la scène.

B B : Avec quels groupes jouais-tu avant d'être dans Alligator Stew ?

G J : Je suis très content que le rock sudiste existe encore de nos jours et de faire partir de ce mouvement.
En 91, le groupe dans lequel je jouais, Asphalt Ballet a signé avec Virgin Records. Certaines de nos vidéos sont passées sur MTV. La presse nous voyait comme un groupe de 4 "métalleux" d'Hollywood derrière un chanteur rock sudiste originaire de Louisiane. On a sorti un album le même jour que Nirvana a sorti "Teen spirit", Pearl Jam sortait "Ten". Ce son grunge a tout balayé sur son passage. Notre label voulait faire de moi un autre Kurt Cobain ou un nouveau Eddie Vedder. J'étais un chanteur de rock sudiste, je ne pouvais et ne voulais pas changer. J'ai quitté le groupe, qui a engagé un chanteur style grunge. Ils ont jeté le groupe 3 mois plus tard. J'ai également joué dans un autre groupe rock sudiste, The Regulators, qui vient également de signer avec Halycon Records. Je chante quatre titres sur leur dernier album "Bar & Grill". C'est un très bon album. J'ai entre autres chanté sur le morceau "Above the law" qui a été le morceau le plus demandé sur mp3.com.

B B : Que penses-tu de la scène rock sudiste de nos jours ?

G J : Il y a beaucoup d'influences blues dans le rock sudiste, des textes qui parlent de la vraie vie, la fête et tout ce qui va avec. C'est quelque chose dont les "classes moyennes et prolétaires" se sentent proches. Un peu de blues, un peu de rock, un peu de country et un peu de passion pour la musique. Tu dois y croire un maximum car ce n'est pas ce qui va te faire devenir millionnaire. Mais qu'est-ce qu'on s'éclate !!! Tout est parti de Lynyrd Skynyrd, The Outlaws, Blackfoot, Molly Hatchet, Bob Seger, John Lee Hooker.

B B : Parle-nous du futur d'Alligator Stew

G J : Nous allons faire un autre album, les morceaux sont d'ailleurs prêts. Et puis, d'autres albums d'Alligator Stew. J'écris tout le temps de nouveaux titres. Je viens de mettre en ligne sur cdbaby.com un album que j'ai enregistré avec des potes originaires de Louisiane. On a enregistré
à Los Angeles, le groupe s'appelle CoupDeVille. Je n'en ai pas encore parlé avec mon label. On s'est vraiment bien marré. J'aimerai pouvoir faire d'autres albums avec des tas de gens différents. J'aimerai rassembler un banjo, un accordéon, un violon, un guitariste de métal. J'adore tout simplement écrire et jouer de la musique. Si j'avais les moyens, je sortirais un album tous les trois mois.

B B : Que souhaites tu à Alligator Stew ?

G J : Qu'un de nos morceaux devienne aussi populaire que Freebird. Que les gens reconnaissent Alligator Stew comme le southern rock band du nouveau millénaire. De prendre toujours autant de plaisir à jouer. De faire des concerts de plus en plus gros et enregistrer une vingtaine d'albums.
B B : Quels sont tes albums préférés ?

G J : Le premier Lynyrd Skynyrd " Pronounced Lehnerd .. Skenerd ", Blackfoot ...."Live", tous les albums des Oultlaws, Bob Seger "Live bullet", Molly Hatchet "Flirtin' with disaster".

INTERVIEW ALLIGATOR STEW
( Source ROCK HARD, avec l'autorisation de Bruno BAGES )