ALLMAN
BROTHERS BAND : Big Brother
Interview Gregg ALLMAN, entretien téléphonique
par Bruno BAGES, le 6 Mai 2003.
( Interview publiée dans ROCK HARD n° 23 )
Après
avoir traversé une période difficile, principalement due à
des tensions internes, le Allman Brothers Band est de retour avec un superbe
album studio, le premier depuis neuf ans. Autant dire qu'un coup de fil
à l'indestructible Gregg Allman s'imposait.
Bruno Bages : Dés la sortie de ce nouvel album, Hittin The Note, tu
as déclaré qu'il s'agissait de la meilleure réalisation
du groupe depuis Eat A Peach de 1972 ? Pourquoi ?
Gregg Allman : Je maintiens tout à fait cette déclaration. Car
c'est la stricte vérité et je peux t'assurer que d'autres personnes
ont le même avis que moi. Je suis vraiment très, très
satisfait de ce nouveau disque.
Bruno Bages : Pourtant, au début des années 90, vous avez également
sorti d'excellents albums comme Seven Turns ou Shade Of The Worlds...
Gregg Allman : C'est vrai qu'ils étaient très bons aussi mais
je pense sincèrement que Hittin The Note leur est supérieur.
Je crois que c'est le meilleur travail que nous ayons fait depuis la disparition
de mon frère Duane (Ndlr : Duane Allman disparu en octobre 1971 dans
un accident de moto). Durant les nineties, le groupe était toujours
miné par des tensions, et cela l'empêchait de travailler sereinement.
Notre principal problème à cette époque avait pour nom
Dickey Betts (Ndlr : guitariste et membre originel du groupe, qu'il quitta
en 2000). Nous avons bien failli splitter définitivement avant de comprendre
que la seule solution était de nous séparer de lui. A présent,
tout est beaucoup plus clair : nous bossons avec un nouveau management, Warren
Haynes est de retour, et le line-up actuel me satisfait pleinement.
Le feeling, le groove sont de retour ...et le groupe a retrouvé son
âme...J'aurais vraiment aimé que mon frère soit encore
là pour écouter cet album. Je suis persuadé qu'il l'aurait
adoré.
Bruno Bages : Penses-tu que la présence de Warren Haynes soit aujourd'hui
indispensable au groupe
pour que ce dernier joue à son meilleur niveau ?
Gregg Allman : Absolument Warren est actuellement l'un des meilleurs guitaristes
au monde.
Et il nous apporte aussi beaucoup au niveau écriture des morceaux.
Avec lui, la complicité est totale. Lorsqu'il est revenu parmi nous,
nous nous sommes tapés une jam fantastique et j'ai tout de suite compris
que la magie était toujours là. Nous étions repartis
sur des bases créatives et positives.
Bruno Bages : Votre deuxième guitariste, Derek Trucks, qui est d'ailleurs
le neveu du batteur Butch Trucks,
à la particularité d'être très jeune. Il a été
engagé en 1999, alors qu'il n'avait encore que 21 ans.
Pourquoi l'avoir choisi ?
Gregg Allman : Parce qu'il est très bon, tout simplement ! La première
fois que je l'ai vu jouer, il n'avait que dix ans. Plus tard, j'ai été
le voir dans un club où il se produisait avec son groupe. Et là
j'ai vraiment été impressionné par sa maturité.
Nous lui avons demandé s'il était d'accord pour nous rejoindre
et il a accepté. C'est aussi simple que ca.
Bruno Bages : Hittin The Note a été enregistré en dix
jours seulement, ce qui peut paraître surprenant lorsqu'on constate
la qualité de ce disque.
Gregg Allman : J'avais des impératifs avec mon autre groupe, Gregg
Allman's Friends. Nous devions donc mettre l'album en boite avant la fin de
l'année 2002. Le temps passé en studio a été très
court mais je n'ai pu m'occuper du mixage que plus tard. Franchement , je
dois admettre que j'étais un peu inquiet lorsque j'ai récupéré
les bandes mais, à l'écoute du résultat final, je n'arrivais
pas à y croire.
C'était vraiment très bon.
Bruno Bages : Cet album symbolise-t-il un nouveau départ pour le Allman
Bros Band ?
Gregg Allman : Absolument...Il est simplement dommage que nous soyons si vieux
(rires).
Il y a longtemps que je n'avais pas ressenti une telle excitation à
jouer avec ce groupe.
De toutes façons, le Allman Bros Band est avant tout une formation
vouée à la scène, et nous adorons jammer. Lorsque nous
donnons un concert, nous le faisons comme s'il allait s'agir de notre dernier
show : nous nous livrons vraiment à fond. Je pense d'ailleurs que nous
pourrons vous rendre visite à Paris l'année prochaine, histoire
de vous prouver à quel point cette nouvelle formation tue.
Bruno Bages : Hittin The Note est un disque très orienté vers
le blues, davantage en tout cas que
ses prédécesseurs, non ?
Gregg Allman : Tout à fait. Je suis personnellement un gros fan de
rhythm'n'blues, le vrai , celui d'Otis Redding. Quant à Warren Haynes,
il reste un inconditionnel du blues traditionnel. Or, il se trouve que ce
dernier a pas mal composé pour cet album, ce qui explique cette orientation
blues plus prononcée.
Le côté country rock de nos anciens albums n'apparaît plus
ici.
Bruno Bages : On y trouve également " Hart Of Stone ", une
reprise des Rolling Stones...
Gregg Allman : C'est exact ! Pourtant, nous avons eu quelques difficultés
pour obtenir les droits de reprendre ce titre. Car, aussi étrange que
cela puisse paraître, cette chanson des Stones n'avait jamais
été reprise avant.
Bruno Bages : L'instrumental qui figure sur ce nouvel album est-il le fruit
d'un enregistrement live en studio ?
Gregg Allman : Oui, il s'intitule " Instrumental Illness ". Nous
l'avons enregistré live et en une seule fois. Nous avions mis en boite
une deuxième prise, histoire d'assurer mais c'est la en définitive
la première que nous avons retenue car elle était la meilleure.
IL s'agit d'un titre que nous avions un peu testé sur scène
précédemment. Il a même été réécrit
plusieurs fois : à l'origine, il devait être chanté, mais
après plusieurs tests, lors des concerts, nous avons décidé
que l'option instrumentale convenait mieux.
Bruno Bages : Une question concernant ton frère Duane : l'année
2001 marquait le trentième anniversaire de sa disparition et nombreux
les fans européens qui s'attendaient à la publication d'un coffret,
d'une anthologie ou, tout du moins, d'un album afin de marquer l'occasion.
Or, rien n'a été fait officiellement . Comment l'expliques-tu
?
Gregg Allman ; Well (long silence pesant) Je ne sais trop que répondre...
Disons que je n'en sais trop rien. Lorsqu'un musicien disparaît, les
droits des enregistrements appartiennent au label. Duane était aussi
musicien de studio et il bossait pour des tas de gens très différents.
En ce qui concerne ce qu'il a fait avec
le Allman Bros Band, je pense que tout ce qui pouvait être publié
depuis sa mort l'a été. Il faut que les documents soient de
qualité suffisante pour être commercialisés, or au début
des seventies, la technologie n'était pas la même qu'aujourd'hui.
Et nous ne pouvions pas mettre en vente un disque dont le son aurait été
mauvais. Plusieurs anthologies du Allman Bros Band ont déjà
été publiées (Ndlr : Duane Allman : An Anthology Volume
1 et 2 ainsi que le coffret 4CDs Dreams sorti en 1989) et tout ce qui a pu
être retrouvé
sur Duane doit y figurer. Nous avons tout de même réussi à
ressortir le concert de American University qui datait de décembre
70 et qui a été publié en 2002 via l'ABB Recording Company.
Le seul matériel qui pourrait être diffusé concernerait
les shows que nous avons donnés à l'Atlanta Pop Festival en
1969 et 70. Nous y avions joué avec Jimi Hendrix.
Bruno Bages : Justement , des rumeurs évoquent la sortie d'un DVD relatif
à ce festival...
Gregg Allman : Je ne suis pas sûr que notre prestation ait été
filmée à cette occasion...Non, vraiment, je ne peux rien confirmer.
Par contre, je peux d'ores et déjà annoncer la réalisation
d'un DVD filmé sur notre dernière tournée. Là,
je pense que les fans seront gâtés car de gros moyens ont été
déployés pour couvrir ces concerts : douze caméras et
trois camions de matériel divers. C'est vraiment une tuerie !
La tournée comprenait treize dates et deux shows ont été
filmés dans leur intégralité.
La sortie de ce DVD est prévue pour l'été prochain.
Bruno Bages : Une question personnelle maintenant : tu as joué dans
Rush, un film qui racontait l'histoire
de deux policiers, un homme de et une femme qui infiltraient un gang de trafiquants
de drogue.
Quels souvenirs gardes-tu de cette expérience d'acteur ?
Gregg Allman : Elle m'a permis d'apprendre énormément de choses.
J'étais totalement novice en matière
de cinéma et c'est l'acteur principal du film, Jason Patrick, qui m'a
épaulé et conseillé tout au long de ce tournage. C'est
vraiment un gentleman. A cette époque, j'étais également
en train d'enregistrer à Memphis. Ce fut donc une période assez
agitée car je devais sans arrêt prendre l'avion et faire des
aller-retours entre le studio et les lieux du tournage. Le travail d'acteur
est en tout cas, très difficile.
Bruno Bages : Quand pourra-t'on revoir The Allman Brothers en France ?
Gregg Allman : Très bientôt, je l'espère. Le fait que
notre label soit basé en à Londres va certainement faciliter
notre venue en Europe. Je pense que cela se fera en 2004. D'ici là,
nos fans européens pourront patienter grâce au DVD.