RTJ: Salut John, comme je te l'ai demandé récemment je t'envoie quelques questions pour
" Road to Jacksonville web site ". Tout d'abord, merci pour la prestation avec Doc Holliday l'autre soir au
" Spirit of 66 " en Belgique, avec les Amis de Bands of Dixie mag (qui ont interviewé Bruce) nous avons fait le déplacement de France et nous n'avons pas été déçu, nous avons passé une super soirée, je souhaite aussi te dire que je suis beaucoup plus Fan que journaliste et que nous sommes un groupe de copains qui essayons de faire le maximum pour rendre service au Southern Rock en France car c'est notre passion,
je considère aussi que Doc Holliday fait parti des tout meilleurs représentants pour cette musique.
Tu es (avec Bruce) un des piliers fondateurs de ce groupe c'est pour cette raison que RTJ a souhaité
te poser quelques questions.

RTJ : Peux tu nous raconter globalement l'histoire du groupe, sa création, ses débuts, les influences etc...

John Turner Samuelson : J'ai intégré le groupe il y a environ trente ans à l'époque où on s'appelait Roundhouse. C'était avant que l'on signe notre premier contrat avec A&M en 1979 et on a changé notre
nom en Doc Holliday. Pour comprendre nos influences, il faut se rappeler qu'à cette époque on
traînait avec tous les grands de chez Capricorn, les Allman, Charlie Daniels, Marshall Tucker et autres. Capricorn était très réputé dans le southern rock mais était aussi reconnu dans le milieu soul avec
des gens comme Otis Redding, James Brown et Little Richard. On était également de grands fans des Beatles, on aimait tout aussi bien Bob Marley que les groupes californiens comme "Quicksilver
Messenger Service" ou "Fleetwood Mac". On avait aucune limite ou barrière. Tu serais même surpris à l'écoute de certains titres que l'on a enregistré à l'époque. On a écrit des trucs orientés country ou de la dance, et des choses très heavy rock.

RTJ : Au début tu tenais la Bass-guitar dans le groupe, qu'est ce qui t'a poussé à prendre la guitare,
qu'elles étaient tes influences principales ?

JTS: J'ai appris à jouer de la basse l'année de mes quinze ans à l'église. A cette époque, j'avais une batterie et un des diacres à l'église voulait que son fils joue de la batterie avec la chorale. Ils m'ont demandé de me joindre à eux, ils m'ont loué une basse pour que son fils puisse jouer de la batterie !
Comme je jouais du trombone depuis quelques années, il était facile pour moi de lire la musique et comme je jouais de la guitare depuis l'âge de 12 ans, l'adaptation n'a pas été trop dure. Je me rappelle ralentir mon tourne-disque à 16 tours par minute pour essayer de comprendre ce que Hendrix jouait !
Ce que je recherchais dans la musique était plus une qualité artistique qu'un style bien précis.
Mis à part le rock, j'aime par exemple toutes les vieilles comédies musicales de Broadway. Ma mère était fan des grands big bands de swing et j'aime ça aussi. J'ai toujours sa collection de disques avec Stardust
et toutes les versions qui existent (c'était son morceau favori). Etant gosse, j'ai joué du trombone dans un big band. En tant que bassiste, j'ai été influencé par Mc Cartney, mais qui ne l'était pas ?
J'ai toujours bien aimé les lignes de basse bien construites, celles qui font la chanson, celles dont tu ne te rends pas compte que sans elle, le morceau n'existe plus. Des mecs comme Cliff Willians de AC/DC ou Tom Hamilton de Aerosmith ont tout compris. J'ai également été très influencé par Phil Lynott mais pas en tant que bassiste, plus en tant qu'auteur. J'ai écrit un titre pour le Doc qui n'est jamais sorti, "Gangbusters",
bien qu'on l'ait joué en tournée en 83. Si tu imites la voix de Phil, ça sonne tellement comme un de ses titres que s'en est même embarrassant. C'est vraiment quelqu'un que j'aimais beaucoup. J'ai eu la chance de rencontrer sa mère, Phylomena et c'est elle qui nous a introduit sur scène pour le Sweden rock festival. Quand j'ai discuté avec elle avant notre concert, j'ai pu lui dire tout ce que je pensais de Phil et de ce que
sa musique m'a apporté. Pour ce qui est de la guitare, c'est plus mélangé, je peux faire du finger picking et jouer un pur boogie dans la minute qui suit. Je ne sais pas d'où me vient tout ça. Etant jeune, en Géorgie,
on côtoyait de très bons musiciens mais quand j'ai déménagé à Macon en 72, le niveau était beaucoup plus élevé. Mes potes sont retournés à Atlanta expérimenter dans le jazz et moi je suis resté à Macon faire de la musique qui sort des tripes, pas des maths. A l'époque, la scène de Macon était fabuleuse, les Allman, Tucker, Wet Willie, Bonnie Bramlett, Sea Level et des tonnes d'autres bons groupes. On a appris la plupart de ce que l'on sait en musique et sur la vie pendant ces années.


RTJ : Comment ce passait le travail pour les compositions a cet époque, tous ensemble
ou bien c'est Bruce qui amenait l'idée et le morceau ??

JTS: Bruce est le compositeur principal du groupe, même si l'on contribue tous à quelque chose.
Eddie et moi avons pas mal apporté sur des idées et des textes. Quand Bruce travaille sur un nouveau morceau, il nous donne le rythme avec son stylo, et aussi bien Eddie que moi arrivons avec une phrase qui rythmiquement est ce que Bruce voulait. Par moments, ce sont des couplets entiers. De par ce fait, j'ai écrit des textes dans plein de morceaux de Doc Holliday. Il y a certains titres dont j'ai écrit la quasi totalité des textes comme par exemple "Never Another Night", "Angels in Waiting" ou "Gangbusters" ou d'autres qui ne sont jamais sorties. On apporte tous nos idées. En général, tout démarre avec une première vision de
Bruce et chacun participe.


RTJ : Vos deux premiers albums ( First et Rides Again ) sont fabuleux, ils ont d'ailleurs reçu un accueil très favorable chez les fans de Southern Rock, ensuite comme beaucoup de groupes sudistes vous avez un peu modifié l'esprit de vos compositions, quelles en sont les raisons ?
Avez vous eu le soutien promotion de votre maison de disque ?

JTS : Qu'est ce que le southern rock en fait ? Pour moi, c'est du rock joué par des mecs du sud.
Ici, dans le sud, on ne voit pas les choses comme ailleurs, et ça se ressent dans notre musique.
Je pense que le southern rock a plus d'âme, plus de cœur. Si tu fais attention, le slide de Duane Allman pleure par moments, des mêmes larmes que celles des morceaux de Hank Williams. On ne s'est jamais préoccupés des étiquettes, ni du terme southern rock. ON a toujours voulu être ce que l'on était et faire
la musique que l'on voulait. Cela a été un problème pour les managers et les maisons de disques dans
le passé, mais on a juste essayé de faire ce que l'on aimait.

RTJ : Quels sont pour toi les grands moments de la carrière du Doc Holliday, les meilleurs souvenirs
et les pires aussi ?

JTS : Je ne me rappelle que des bons moments, et il y en a eu des milliers !
J'ai oublié les mauvais. La vie est trop courte pour s'embarrasse des mauvais moments.
Je me rappelle des meilleurs moments comme d'une victoire, notre premier contrat avec un label,
Madison Square Garden avec Black Sabbath, notre première visite en Europe en 1982.
Quand on a fait le Madison Square Garden avec Black Sabbath, tout le monde nous disait que personne
ne se soucierait de nous, étant du sud et tout ce qui va avec. En fait, quand on est monté sur scène,
on avait jamais vu autant de drapeaux sudistes. Je me souviendrai toujours de Ronnie James Dio pendant cette tournée, quel gentleman et quel musicien. Je n'oublierai jamais non plus ce public new-yorkais !


RTJ : Concernant le Mot " Southern Rock" , nous avons déjà interviewé pas mal de musiciens en leur demandant ce que ce qualificatif représentait pour eux, les réponses ont étaient très diverses, et pour toi,
le terme Southern Rock est il important ?? Est ce une marque de fabrique comme on dit ?

JTS: Je pense qu'il n'est pas forcément nécessaire d'être du sud des US pour jouer cette musique,
mais cette musique a un esprit qui lui est propre. Ecoute le vieux blues du delta, le vieux R&B,
de la musique de Memphis et Muscle Shoals, de la country et tu fais passer tout ça au travers d'une Les Paul et d'un Marshall. Cherche au fond de toi même, rappelle toi ce que t'ont appris tes parents sur la vie et la dignité, rappelle toi d'où tu viens et de ce qui est important et mets-y tout ton cœur.
Quant à savoir si c'est underground ou une marque de fabrique.... je ne sais pas, je suis heureux de faire partie des gens qui font vivre cette musique.

RTJ : Toujours dans la même ligne : Arborer le drapeau confédéré peut parfois provoquer des réactions mitigées, par exemple chez nous le groupe Français " Calibre 12 " ( dont je suis guitariste ) a déjà eu des problèmes en installant des drapeaux confédérés sur scène, comment ressens tu ça toi ??

JTS : Je pense que le monde est devenu un peu trop "sensible". Pendant notre dernier tournée, j'avais de temps un temps un tee-shirt avec le drapeau confédéré.
Dis aux mecs de Calibre 12 de venir ici, chez nous !!


RTJ : Tout au long de votre carrière tu as du côtoyer beaucoup d'autres grands groupes de Southern Rock, des quels te sens tu proche ? Apprécies tu aujourd'hui les Lynyrd Skynyrd, Molly Hatchet, Allman's, etc...
et constates- tu une relève pour le Rock Sudiste ?

JTS : Tu sais, dans ce petit monde du southern rock, on a toujours été considérés comme les "bad boys", toujours trop durs pour les "mecs normaux", et pas assez pour les "rednecks". Je connais et aime tous les groupes que tu cites, ainsi que d'autres comme Blackfoot, Grinderswitch, Charlie Daniels, Wet Willie.
J'ai aimé, et j'aime toujours les Allman. J'ai aimé, et j'aime toujours Skynyrd. J'ai toujours pensé que
Toy Caldwell était un superbe guitariste, que Danny Joe et Hatchet étaient supers. J'ai toujours senti une fibre commune avec ces groupes et je suis fier de faire parti de cette famille. Je les aime tous !
Il y a beaucoup de nouveaux groupes qui arrivent. La musique est un peu comme un cycle et le southern rock ne disparaîtra jamais. Il y aura toujours un mec ou une nana avec un gros cœur pour cette musique. Cette musique n'est pas frivole, elle a de la substance. Elle ne mourra pas.


RTJ : Doc Holliday a longtemps marqué le pas , est il difficile pour vous de vivre de votre musique actuellement aux Etats Unis ?

JTS : Certes ce n'est pas le plus facile. On est pas vraiment riches, on est juste des "working musicians".

RTJ : Il semble que les groupes Sudistes Américains soient aujourd'hui très proche de l'Allemagne pour réaliser leur tournées , voir les albums , ( Skynyrd, Hatchet, ) je crois savoir que pour vous c'est pareil ?

JTS : Que Dieu bénisse les allemands pour leur amour du southern rock ! Tout ça n'est pas étranger au groupe Lizard et son chanteur, George Bayer, qui est un de nos meilleurs amis. Je vois une relation entre
les "southern rednecks" et les "german rednecks". Pour ce qui est des enregistrements, les allemands ont toujours été bons pour le côté technique. Les premiers disques de Disco ont été faits là-bas, sans parler
des mégahits de Queen ou Led Zep.


RTJ : Nous avons appris que Rick Skelton avait remonté un groupe , tu sais ce qu'il joue ??

JTS : Je ne vois pas Rick assez souvent mais la dernière fois que je l'ai vu, il y a quelques années, il n'avait pas changé d'un iota. On partageait souvent la même chambre au début et il nous gratifiait toujours de superbes parties de guitare acoustiques en chantant. J'ai entendu que son nouveau groupe était vraiment très bon. Rick est un superbe guitariste et chanteur. C'est en plus un mec adorable.
Dès qu'ils ont sorti un album, achète-le sans hésiter.


RTJ : Doc Holliday vient de sortir un magnifique nouvel album ( Good Time music ), à RTJ nous pensons que c'est du très bon Doc Holliday et nous le classons juste derrière vos deux premiers (First et surtout Rides Again). ce fut une très bonne surprise.
Peux tu nous parler un peu de ce nouveau disque, où et comment s'est il réalisé ??

JTS : Je vais te raconter une anecdote. Très souvent, pendant les balances, on joue un vieil instrumental
de Deep Purple, "Angel eyes". Ce titre n'est jamais sorti aux US. Alors que l'on jammait dessus depuis
des années, Bruce a utilisé un des riffs comme inspiration principale pour un morceau du nouvel album,
"Black Cat". Eddie et moi sommes allés voir Deep Purple pendant une journée de repos à Stuttgart
et on a discuté avec Steve Morse après le concert. On connaît Steve depuis l'époque où on ouvrait pour les Dixie Dregs en Caroline du Nord. Steve est un des meilleurs guitaristes au monde. J'étais très heureux de lui donner notre album et je lui ai raconté l'histoire de ce morceau. Je voulais qu'ils sachent que c'était tellement dans notre esprit, que ce n'était pas seulement un tribute.
Je ne voulais pas qu'ils l'entendent en se disant que ça sonnait comme un de leurs riffs.


RTJ : Quand vous composez des nouveaux morceaux avez vous conscience que les Fans espèrent toujours des compos dans le style Ain't No Fool, Southern Man-Doin It Again, Last Ride, Lonesome Guitar,
Song for the Outlaw, etc... ??

JTS : On ne contrôle pas ça comme ça. On arrive pas un jour en se disant : "tiens je vais écrire un nouveau "Lonesome Guitar" ou un nouveau "Southern man" ou bien un nouveau "Hey Jude". Tu écris en fonction de l'inspiration du moment. Dieu contrôle plus ce genre de choses que nous. On peut penser à ce que les fans veulent écouter et on espère que les nouveaux titres leur plairont même si ce n'est pas trop dans cet esprit que l'on écrit.

RTJ: Après ce superbe album, peut on penser que le Doc Holliday est relancé ?
Aura t 'on la chance d'avoir un jour des images de concert en DVD ou Vidéo ?

JTS : Oui je pense que l'on est de retour. On a fait une petite tournée cet hiver, mais il semble qu'il y ait quelque chose de prévu pour le printemps prochain avec de nouveaux endroits. On a enregistré un DVD pendant notre dernière tournée, à Nierenberg mais je ne sais pas s'il sortira et quand.

RTJ : Au fait, vous n'êtes jamais venus en France ? En connais tu la raison ?

JTS : On a fait une fois une interview d'une heure pour une radio à Paris mais effectivement nous n'avons jamais joué chez vous. C'est pourtant quelque chose que l'on aimerait faire. Espérons que ce sera possible la prochaine fois que l'on viendra en Europe. Je n'ai aucune idée de pourquoi ça ne s'est jamais fait.

RTJ : Dernière question traditionnelle de RTJ,
si tu devais retenir 5 albums de l'histoire du Southern Rock ou du Rock, lesquels seraient tes préférés ?

JTS : Je ne peux pas choisir ! Je suis sûr que j'essaierai de regagner la terre ferme pour retrouver de la bonne musique ! Mais disons "Abbey Road", "Blonde on Blonde", "Led Zeppelin II", "Street Survivors" et "Fillmore East". Peut être aussi le Sea Level, puis "Searchin' for A Rainbow", "Pickin' Up the Pieces" de Poco, "Wet Willie II", et "Idlewild South". C'est trop dur de choisir, c'est comme de choisir entre ses enfants !!!

RTJ : Voilà, je te remercie John d'avoir répondu aux questions de RTJ, les Fans Français seront ravis,
si tu souhaites rajouter quelque chose que j'aurais oublier de mentionner n'hésites pas !
Amitiés, John Molet pour RTJ.

JTS: Merci à vous pour tout l'excellent travail que vous faites.


JOHN TURNER SAMUELSON
(Doc Holliday)
Interview John Molet/ Traduction Dominique Turgot