RTJ
: Quelles ont été tes influences majeures a tes débuts
?
PAUL RODGERS : Etant enfant, on avait toujours la radio à la
maison et j'écoutais la pop de l'époque. C'est vers l'âge
de 4 ou 5 ans que je me suis intéressé à la musique.
Vers les 11-12 ans, j'écoutais pas mal de Elvis Presley parce que ma
sur en passait tout le temps et ensuite les Beatles sont arrivés,
ainsi que les Rolling Stones et vers l'âge de 12-13 ans,
je me suis intéressé à leurs racines et c'est comme ça
que j'ai découvert le blues avec des gens tels que Muddy Waters, Howling
Wolf, BB King, Ray Charles, tout ce qui était blues et soul, et bien
sûr Otis Redding.
C'est ce que j'aime le plus depuis tout ce temps.
RTJ : Pour moi, l'album tribute to Muddy Waters est vraiment excellent.
J'adore.
PAUL RODGERS : Merci.
RTJ : Comment as-tu choisi les guitaristes qui ont joué sur
cet album ?
PAUL RODGERS : En fait, ça a pas mal évolué. J'ai
d'abord commencé à penser aux morceaux que je voulais inclure.
Quels sont les meilleurs titres ? J'ai fait pas mal de recherches et j'ai
retrouvé quelques bandes live très intéressantes ainsi
que quelques albums live, tels que "Hoochie Coochie Man" et tous
les classiques qu'il a fait. Je me suis finalement décidé pour
faire une sorte de "best of Muddy Waters" tout simplement parce
que certains de ses titres sont excellents,
"Hoochie Coochie Man" et ce genre de morceaux. Ca a été
la base du travail. Je souhaitais ré-arranger tout ça, être
un minimum créatif tout en gardant l'esprit du blues. Chaque titre
me suggérait un guitariste. Et c'est vraiment dans ce sens que l'on
a travaillé. J'ai alors fait une liste de tous les guitaristes qui
colleraient aux titres. On s'est pas mal marré en se disant que tous
ces gens ne viendraient sûrement pas participer à ce projet.
On les a alors appelé et ce fut magique, ils ont tous accepté,
Jeff Beck, David Gilmour de Pink Floyd, Brian May de Queen, Neal Schon et
même Buddy Guy est venu.
C'était vraiment un moment magique.
RTJ : Je me rappelle avoir entendu sur Oui FM, une retransmission direct
live du Chesterfield Café où tu tapais le buf avec Poppa
Chubby. En gardes-tu un bon souvenir ?
PAUL RODGERS : Non, je ne m'en rappelle pas. A cette époque,
avec l'album blues, on a fait tellement de dates
dans tellement de clubs de blues.
RTJ : Venir taper le buf dans les clubs, est-ce une habitude
?
PAUL RODGERS : Oui, ça m'arrive souvent de jammer. Je l'ai d'ailleurs
fait pour le DVD.
J'ai invité Slash et Neal Schon. Je leur ai dit de venir avec leurs
guitares car ils devraient jouer.
Ils se sont déplacés et ont joué sur "Wishing Well",
ce qui était un moment unique pour Bad Company, ce morceau remontant
à l'époque Free. On a eu pas mal d'invités, tous n'ont
malheureusement pas joué, mais ils étaient backstage. Mick Jones
de Foreigner était là.
RTJ : N'as tu pas fait une tournée avec Slash ?
PAUL RODGERS : En fait, on a fait quelques dates ensemble. On a fait Woodstock,
notamment.
J'ai joué à Londres avec lui, ainsi qu'à Francfort. Il
vient à mes concerts, je vais jammé aux siens.
PHILIPPE : Je t'ai vu en 1993 à l'Elysée Montmartre avec
le Paul Rodgers Band.
PAUL RODGERS : Vraiment ? avec le "solo band" ?Avec l'album
blues, on a joué à travers le monde dans toutes sortes d'endroits,
avec Neal Schon. C'est un superbe guitariste. On a passé du bon temps
avec lui.
On avait l'habitude, avant les concerts de faire une balance pendant une trentaine
de minutes. En fait, ça durait toute l'après-midi. On jouait
toutes sortes de morceaux. On faisait des sets de deux ou trois heures. On
a fait pas mal de titres de l'album blues, des titres de mes albums solo,
pas mal de Hendrix. On jouait juste pour le fun. C'est de là qu'est
parti l'album tribute to Hendrix, on avait tellement joué de ces titres.
Je suis allé voir ma maison de disques en leur demandant si ça
les intéressait d'avoir quelques titres live et on a enregistré
à Miami le 4 Juillet de cette année-là.
RTJ : Aujourd'hui, y a t' il un groupe ou un style musical qui te passionne
?
PAUL RODGERS : J'ai des goûts très variés en ce qui concerne
la musique. J'aime tout ce qui sonne bien. Je ne me limite pas à un
seul genre de musique parce que je pense que tout est lié. Le meilleur
du jazz, le meilleur de la soul, le meilleur du blues, toutes ces musiques
sont liées entre elles. J'ai récemment vu le film "O Brother
Where Art Thou ?". Il y a vraiment une superbe musique dans ce film,
style "old country". Il y a un titre, "Man of constant sorrow",
qui est vraiment superbe. Je ne sais pas dans quoi la classer, si c'est du
blues ou autre chose d'autre (Paul nous chante les deux premières phrases
du titre, putain, quelle voix!!!). Je ne sais pas si c'est du blues, de la
country ou n'importe quoi d'autre, je m'en fiche, c'est tout simplement bien.
Toute la bande son du file est excellente, j'ai d'ailleurs acheté l'album.
RTJ : Comment as tu vécu les arrivées de nouveaux courants
musicaux , tels que :Le Rap, la Techno etc...?
PAUL RODGERS : Hmmmm
Je dois avouer que ce n'est pas vraiment
ce que je préfère. Les gens ont le droit de faire ce qu'ils
veulent, nous vivons dans un monde libre. Je ne dis pas que je n'aime pas
le rap parce que c'est très souvent violent. On doit, en outre, accepter
cette nouvelle forme de musique, ça n'avait jamais été
fait auparavant même si ce n'est pas quelque chose que je ferai. Je
ne sais pas, peut-être suis-je un peu vieux jeu mais j'aime les chansons.
RTJ : Selon toi, y a t' il une raison particulière pour laquelle
les Groupes de Southern Rock font souvent référence
à Free et Bad Co ??
PAUL RODGERS : Je pense que nous avons utiliser la même musique
qu'eux, les racines du blues, le delta et ce genre
de musique. On l'a "ramené" en Angleterre et ça a
évolué, mûri. Ca sonnait certainement unique à
leurs oreilles.
C'est ce que j'ai toujours plus ou moins pensé. C'est quelques part
un peu british, mais c'est notre version du blues.
RTJ : Que représente le rock sudiste pour toi ?
PAUL RODGERS : Eh bien, c'est un groove, n'est ce pas ? Un très
bon groove que j'aime. J'aime tout ce qui me remue.
RTJ : Il se dit que tu aurais été sollicité a
l'époque pour remplacer Ronnie Van Zant , est ce vrai ?
PAUL RODGERS : On buvait tellement à l'époque que je
ne me rappelle pas. Ces mecs sont de sacrés mecs. Je les adore.
Ils ont vécu un style de vie très dangereux mais nous étions
de très bons amis. Je ne sais pas pourquoi ils me l'ont demandé,
on s'est toujours bien entendu, le courant a toujours bien passé. Lorsque
je tournais avec mon groupe solo, on a fini la tournée au Royal Albert
Hall, Gary est venu tout spécialement des USA pour jammer sur quelques
titres.
RTJ : Il a l'air d'être un de tes bons amis.
PAUL RODGERS : C'est un mec très bien, un très bon guitariste.
RTJ : Il était très influencé par Paul Kossof.
PAUL RODGERS : Oui. Nous avons souvent jammé ensemble. Il m'a
toujours étonné de par le choix de ses notes
(Paul nous chante une phrase que pourrait avoir joué Gary).
RTJ :Le slow vibrato, et tout le reste.
PAUL RODGERS: Oui, oui, et ces notes très longues.
RTJ : Ronnie VanZant te considérait avec Gregg Allman comme
l'un des meilleurs chanteurs. Le savais-tu ?
PAUL RODGERS : Ca fait très plaisir de l'entendre.
RTJ : Quelles étaient tes relations avec Ronnie VanZant ? Vous
avez partagé pas mal de dates.
PAUL RODGERS : Nous étions de très bons amis. Ca fait
longtemps. On se voyait de temps à autre, on jammait,
on faisait la fête. C'était le bon temps ! Un mec très
sympa.
RTJ : Il y a Paul Rodgers Group et Bad Company , existe-t-il de grandes
différences dans l'approche musicale
entre les deux ?
PAUL RODGERS : Avec mon groupe solo, je pense être un peu plus
expérimental. J'ai toujours essayé de par la passé,
de faire les choses séparément, en fonction des différents
groupes. Free était Free, The Firm était The Firm, Bad Company
était Bad Company, le Blues c'était le Blues. Avec mon groupe
solo, tout ça est de temps en temps un peu mélangé, et
on joue aussi bien "All Right now" que "Satisfaction Guaranteed",
ou "Muddy Waters Blues". Comme par exemple
"Rock'n Roll Fantasy", qui lorsque je l'ai joué à
"The Cavern", comportait un hommage aux Beatles.
J'ai conservé l'idée par la suite avec Bad Company. Même
chose pour "All Right Now" que je fais maintenant avec
Bad Company, idem pour "Wishing Well".
Pour cette année et l'année prochaine, je me concentre sur Bad
Company, je penserai à mon projet solo après.
RTJ : J'adore le morceau "Shooting Star", surtout les textes.
PAUL RODGERS : Merci.
RTJ : Pensais-tu à quelqu'un en particulier lors de l'écriture?
PAUL RODGERS : Oui, plein de gens. Dans le "music business",
il y a eu beaucoup de dégâts bien que ce ne soit pas la guerre.
Pas mal se sont un peu trompé sur la voie à suivre, la musique
et non toutes ces fêtes, débauches et autres.
Le but d'un musicien est de faire de la musique. "Shooting Star"
m'est alors venu soudainement. Ca parle de tous ces gens qui n'y ont pas survécu
: Janis Joplin, Jimi Hendrix John Bonham, Keith Moon, qui d'autre encore ?
Il y en a eu tellement, et ça continue encore de nos jours.
RTJ : As-tu prévu de venir jouer en France ?
PAUL RODGERS : Nous tournons aux USA en juin et juillet. Le management
travaille en ce moment sur une tournée européenne, je sais qu'il
y a des dates en Angleterre, et j'espère venir jouer ici. Après,
on part au Japon.
RTJ : Ca fait longtemps que tu n'as pas joué ici.
PAUL RODGERS : Oui, oui, très longtemps. Ce serait bien de revenir
à nouveau.
RTJ : John se rappelle t'avoir vu jouer à Orange en 75 ? t'en
rappelles tu ?
PAUL RODGERS : Bien sûr, Orange, avec Bad Company. C'était
à l'époque de "Run with the pack". C'est un superbe
endroit. N'est pas là qu'il y a des arènes romaines ?
RTJ : Je ne connais pas très bien cet endroit, peut-être
le connais- tu mieux ?
PHILIPPE : Oui c'est ça, il y a des arènes.
RTJ : Finalement Paul, tu connais mieux la France que moi (rires) !
PAUL RODGERS : Euh, juste cet endroit !
RTJ : Imagine que tu aies la possibilité de monter le groupe
de tes rêves. Qui en ferait partie ?
PAUL RODGERS :Je pense que John Bonham serait à la batterie
.
Ils sont tous morts, ce serait "a band in heaven"
Georges Harrison
à la guitare. Je ne sais pas qui serait à la basse. Hmmmmmm
..Peut
être Pino Palladino,
c'est un superbe bassiste.
RTJ : Question classique: Si tu devais partir sur une île déserte
et emmener 8 a 10 Albums, lesquels choisirais tu ?
PAUL RODGERS : Hmmm
.Pour l'instant, mon album favori est la bande
originale du film "O Brother ".
Je l'écoute en boucle. Je l'emmènerai certainement. Je prendrai
également un album d'Otis Redding.
C'est pas simple comme question. Oui, je crois que je prendrai un "best
of Otis Redding"
RTJ : Mick Ralph et Boz Rurrel font-ils toujours parti du Bad Company
?
PAUL RODGERS : Après la dernière tournée, ils
ont décidé qu'ils ne tourneraient plus. Mick n'aime pas prendre
l'avion
et depuis le 11 septembre, il aime encore moins. Boz joue du jazz dans des
petits clubs, il va très bien. La demande d'une tournée pour
Bad Company était persistante et j'ai du remonter un lineup. Jaz Lochrie
est le bassiste qui joue avec mon groupe solo, on a voyagé partout
ensemble, c'est un super bassiste. Dave Colwell est à la guitare. C'est
un très bon groupe,
très dynamique musicalement. Avec la sortie du DVD, les gens pourront
s'en rendre compte.
RTJ : As-tu déjà à commencer à travailler
sur le prochain album ?
PAUL RODGERS: Pas encore. On a eu beaucoup de travail ces derniers
mois. L'album live a été enregistré en janvier en Californie
et à Denver (Colorado). Il y a eu ensuite tout le mixage, tout le travail
spécifique au DVD, le design, la promotion et la tournée proprement
dite. C'est un travail de tous les instants. Quand tout ça se calmera
un peu,
je commencerai à travailler dessus.
RTJ : Comment composes tu ? à la guitare ? au piano ? par le
texte ?
PAUL RODGERS : Plus ou moins tout ça. Il m'arrive de trouver
une mélodie sans aucun instrument et de travailler les accords ensuite.
Je travaille souvent avec une guitare acoustique parce qu'en voyage, c'est
l'instrument le plus simple à utiliser. Tu n'as pas besoin de te brancher,
ou de déplacer un piano. J'utilise en ce moment cette Taylor [NDLR
- 25th anniversary]. J'aime composer au piano lorsque j'en ai la possibilité.
Il m'arrive de composer à la basse. "Rock steady"
a été écrit à la basse. Je joue de la guitare,
de la basse, du piano, de la batterie, suffisamment pour montrer au reste
du groupe les nouveaux morceaux. Quand j'écris un nouveau morceau,
je le vois dans sa globalité et je montre aux autres membres du groupe
les différentes parties.
RTJ : On a fini avec les questions que nous avions préparé.
Veux-tu ajouter quelque chose ?
PAUL RODGERS : On me demande souvent comment j'écris un morceau.
Je vais vous faire voir comment j'ai écrit
"Joe Fabulous". J'ai utilisé ma Taylor, qui a un système
pour baisser d'un ton la corde de Mi grave.
Tout guitariste connaît les harmoniques au dessus de la douzième
case. ( Paul nous joue alors toutes les harmoniques
avec la rythmique de "Joe Fabulous", tout ça en nous chantant
les premières phrases. ) Je vais voir les autres membres
du groupe avec cette idée et je leur explique également les
différentes parties, comme notamment le solo de guitare
(Paul nous le fredonne).
RTJ : Paul, merci beaucoup de nous avoir accorder cet interview, ce
fut un honneur de pouvoir discuter avec toi.
Interview Paul Rodgers par P.Archambeau et D.Turgot.
Questions préparées par J.Molet et D.Turgot
Je tiens également à remercier l'entourage de Paul pour sa gentillesse
et son accueil, notamment son manager, Cynthia.
Un grand merci à Olivier et Roger de NTS pour nous avoir permis de
réaliser cet interview.